Feuille de route

 

Vers l’excellence

dans

l’application

de la

Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa

 

 

Rapport soumis

à la

Ville d’Ottawa

 

 

 

Étude réalisée par :

 

PRAXIS, Conseillers en gestion

et

Jean-Claude Le Blanc, Expert-conseil, aménagement linguistique et gestion

 

Décembre 2007


Table des matières

 

Préface. 24

Résumé. 25

1.     Introduction générale. 27

1.1       Contexte. 27

1.2       Objectifs de l’étude. 28

1.3       Méthodologie. 29

1.4       Sommaire de l’état des lieux. 29

2.     Cadre juridique. 30

2.1       Les droits du public. 31

2.2       Les obligations des gouvernements. 32

2.2.1      Principes directeurs de l’ordre constitutionnel canadien. 33

2.2.2      Le jugement Montfort 33

2.2.3      Principes directeurs constitutionnels. 34

2.2.4      Le statut de capitale nationale. 35

2.3       L’architecture de la Politique de bilinguisme. 36

3.     Principaux enjeux, constats et observations. 37

3.1       Enjeux clés découverts. 38

3.2       Constats et analyse. 39

3.2.1      Progrès et reculs depuis 2001. 39

3.2.2      Capacité bilingue réduite. 39

3.2.3      La traduction. 41

3.2.4      Les deux langues de travail 42

3.2.5      L’offre et la demande de services bilingues. 42

3.2.6      Langue, identité et dignité. 43

3.3       Le chemin de l’excellence vs celui de la facilité. 45

3.4       Une culture de refus. 46

3.4.1      Bilinguisme parlementaire et législatif 47

3.4.2      Le paravent de législations de l’Ontario. 47

3.5       Pratiques exemplaires. 48

4.     L’appui du public. 49

5.     Conclusion et recommandations. 51

Annexe 1 : Extraits de la Politique de bilinguisme. 56

Annexe 2 : Services en français d'égale qualité. 59

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
Nous reconnaissons l’appui financier  du gouvernement du Canada
par l’entremise du ministère du Patrimoine canadien


 

Préface

 

On juge un pays, voire une civilisation, au traitement de ses minorités. Le Canada a été forgé par l'accommodement de l'autre, et la collaboration qui en a suivie. À la cohabitation des Amérindiens et des Français, a suivie celle des Français et des Anglais, laquelle a donné naissance au bilinguisme. La reconnaissance des deux langues officielles a permis à notre pays de devenir une terre d'accueil pour les autres habitants de la planète qui, générations après générations, sont venus enrichir la fibre sociale canadienne et participer à l'essor de leur nouveau pays. Les deux langues officielles du Canada sont aujourd'hui une source de fierté et de prospérité. À l'étranger, les droits linguistiques des Canadiens sont vus comme un indicateur d'un état avancé de civilisation, qui fait l'envie de la grande majorité des humains qui sont privés des avantages qu'offre une terre de liberté comme la nôtre.

 

La présente étude veut appuyer les élus et les cadres de direction de la Ville d'Ottawa dans leurs efforts pour réaliser l'égalité réelle des francophones et des anglophones dans la capitale du Canada. Elle veut aider les membres de la fonction publique municipale, des personnes dévouées qui ont choisi de servir leurs concitoyens, à être davantage ce qu'ils sont et peuvent être. Cette étude traite d'un grand nombre de sujets dont certains sont complexes. Dans bien des cas, elle ne peut qu'effleurer les enjeux car sa portée est limitée. Pour atteindre ses objectifs, elle compte donc sur le professionnalisme et la bonne volonté des dirigeants de la Ville, élus et cadres de direction, ainsi que sur la générosité des personnes qui ont le privilège d'habiter ce coin de pays.

 

Les qualités que le lecteur reconnaîtra à la présente étude sont le fruit de la collaboration exceptionnelle que mon partenaire et moi avons eue des personnes, dirigeants ou employés de la Ville et membres de la communauté, qui ont gracieusement accepté de participer à une entrevue individuelle ou de groupe. Nous leur en sommes grandement reconnaissants. Le soussigné est seul responsable des erreurs, redondances et omissions qui s'y trouvent encore. Toutefois, sans l'appui continu et les commentaires éclairés de la Division des services en français et du Comité consultatif sur les services en français, particulièrement de ses deux coprésidentes, il en resterait encore bien d'avantage. À vrai dire, cette étude n'aurait tout simplement pas pu se réaliser.

 

Puisse la présente étude contribuer à développer à la Ville d'Ottawa le réflexe que les services au public, intérieur ou extérieur, sont toujours destinés à des francophones ou des anglophones, ou les deux, et qu'il importe de bien les connaître pour mieux les servir. Pour les personnes qui en sont responsables, bien servir le public constitue immanquablement une source de fierté et de satisfaction personnelle.

 

 

 

 

Jean-Claude Le Blanc                                                  Ottawa, le 3 décembre 2007

Résumé

 

La présente étude, qui a débuté en janvier 2007,  a permis de dégager les enjeux clés de la progression vers l’égalité réelle du français et de l’anglais à la Ville d'Ottawa :

ü                  L’engagement soutenu des dirigeants de la Ville, tant les élus que les cadres de l’administration, en commençant par les échelons les plus élevés, est absolument indispensable; cet engagement doit être régulièrement communiqué en termes clairs tant aux employés qu’au public et les gestes posés au quotidien doivent constamment en confirmer l’authenticité.

ü                  La compréhension appropriée de la portée du cadre juridique de « l’égalité des droits et privilèges des deux groupes de langues officielles » (Politique de bilinguisme, article R.1) constitue le premier pas du déclenchement d’un processus d’engagement à cet égard.

ü                  Une compréhension approfondie des caractéristiques et besoins propres des communautés linguistiques francophone et anglophone à desservir, lesquelles sont toutes deux de plus en plus diversifiées, ainsi que de leur distribution territoriale respective est essentielle à un engagement éclairé, un leadership structurant et une mobilisation administrative permettant de réaliser l’excellence des services au public en français et en anglais.

 

Le plus grand obstacle à la pleine mise en œuvre de la Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa, une politique bien conçue dont la validité a été reconnue par la Cour supérieure de justice de l’Ontario, réside dans la méconnaissance répandue de la Politique à l’échelle de l’administration municipale. Or, chose certaine, on ne peut mettre en œuvre une politique législative dont on ignore le contenu et la portée.

 

C’est là la plus importante conclusion de la présente étude; elle a l’avantage de tracer la voie à suivre, celle de la légalité et de l’excellence recherchée.

 

C’est précisément pour cette raison que le présent rapport prend le temps nécessaire pour bien exposer les paramètres du cadre juridique; à moins que les dirigeants, élus et cadres de direction, et les employés de la Ville en apprivoisent le contenu et se l’approprient, le bilinguisme de la Ville d’Ottawa, capitale du Canada, restera un bilinguisme de façade. Ce faisant, il contribuera à l'assimilation linguistique et culturelle de la minorité francophone plutôt qu’à son développement. Et il contribuera ainsi à miner l'identité canadienne des résidents et des visiteurs.

 

Pour réussir, toutefois, les dirigeants de la Ville doivent faire preuve d'un leadership efficace, convaincu et durable. Il leur faut démontrer un leadership exemplaire, par la parole et par le geste : il importe à cet égard que soient assumées, à tous les niveaux, les responsabilités de gestion qui s’y rattachent.

 

Ces chefs de file doivent orchestrer, comme un tout, la mise en œuvre des trois recommandations clés suivantes, puis entreprendre de mettre en place un régime d’application approprié de la Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa, qui garantira la réalisation de son objet. Leur concertation doit d'abord porter sur :

Ø                  L’élaboration d’un Plan annuel sur les langues officielles, y compris un Plan de promotion de la Politique de bilinguisme auprès des citoyens et des employés, conformément aux articles R.1.1 et R.1.6 de la Politique de bilinguisme. 

Ø                  L’élaboration et la mise en place d’un cadre de responsabilisation approprié et efficace permettant à la Ville de pleinement s’acquitter des obligations légales de sa Politique de bilinguisme.

Ø                  La mise en place d’une stratégie permettant d’aligner graduellement la culture organisationnelle de la Ville avec les exigences de sa Politique de bilinguisme, y compris par un régime de récompense approprié.

Ø                  L’ajustement des politiques, programmes, mécanismes, processus et pratiques de la Ville de façon à favoriser l’atteinte de l’égalité réelle dans les services municipaux que reçoivent les francophones et les anglophones.

 

La Politique de bilinguisme est une politique horizontale exécutoire et toutes ses dispositions doivent être appliquées d'ici trois ans. Dans le cadre de son premier Plan sur les langues officielles, la Ville d'Ottawa doit accorder la priorité à l'article 1 de la Politique qui comprend 20 dispositions.

 

La Ville doit établir de nouveaux mécanismes de gestion et prendre un train de mesures concrètes afin de remédier aux inégalités actuelles de résultats en ce qui a trait aux services municipaux dispensés aux francophones et aux anglophones qui résident à Ottawa ou visitent leur capitale nationale.

 

La présente étude comprend un calendrier sommaire d'exécution, des critères à rencontrer pour fournir aux francophones et aux anglophones des services d'égale qualité ainsi qu'un Cadre d'élaboration du Plan annuel des services sur les langues officielles; ce sont des outils destinés à aider les responsables, élus et cadres supérieurs, à s'acquitter de leurs obligations.


1.               Introduction générale

 

D’entrée de jeu, il convient de rappeler, à grands traits, le contexte des origines de la Ville d’Ottawa, l’ancienne et la nouvelle, y compris celui de la reconnaissance officielle du français et de l’anglais, de présenter les objectifs et la méthodologie de la présente étude et d’établir sommairement l’état des lieux.

 

1.1    Contexte

 

À l’époque, plusieurs nations autochtones circulaient dans la vallée de la rivière des Outaouais avant que des Français vinrent s’y établir au dix-septième siècle. Vinrent s’y ajouter, à partir du siècle suivant, des immigrants venus de Grande-Bretagne et des États-Unis et, par la suite, grâce notamment à la capacité d’accueil et d’accommodement découlant de cette cohabitation de francophones et d’anglophones, de pratiquement tous les pays du monde.

 

Ottawa est devenue la capitale du Canada lorsque la reine Victoria en a décidé ainsi en 1857. Cette décision fut ensuite entérinée par les pères de la Confédération canadienne et consacrée à l’article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui y établit le siège du gouvernement. Ce choix est dû à l’emplacement de la ville, à la frontière entre le Bas-Canada, francophone, et le Haut-Canada, anglophone, ainsi qu’à la présence, il y a 150 ans comme aujourd’hui, des deux grands groupes linguistiques du pays. Au fil du temps, chacun s’est doté d’institutions propres et est devenu de plus en plus diversifié.

 

La nouvelle Ville d’Ottawa, ci-après désignée la Ville, a été créée en janvier 2001. Elle résulte de la fusion de onze (11) municipalités avoisinantes de la région, ce qui a eu pour effet d’agrandir considérablement le territoire et la population de la capitale nationale. À bien des égards, la nouvelle ville d’Ottawa est une toute jeune municipalité car son administration a intégré douze (12) administrations municipales distinctes, soit les onze anciennes municipalités fusionnées et l’ancienne Municipalité régionale d’Ottawa-Carleton. C’est tout un défi de gestion car il faut alors intégrer des ensembles humains qui ont une façon de faire et des méthodes de travail différentes et des cultures organisationnelles qui diffèrent les unes des autres. La Ville a déjà accompli énormément dans la normalisation de ses modes de gestion et de prestation de services.

 

Comme c’est souvent le cas, les lois viennent consacrer en temps opportun des situations de fait ou, comme c’est le cas en l’occurrence, des principes fondamentaux sur lesquels doivent être érigées les sociétés visées. Ainsi, le 9 mai 2001, la nouvelle Ville d’Ottawa adopte un arrêté qui reprend essentiellement le libellé de son arrêté de 1970 (l’Arrêté no 358-70), lequel établissait que  « Le français et l’anglais sont les langues officielles de la Ville d’Ottawa » et ont un statut, des droits et privilèges égaux en ce qui a trait à leur emploi au Conseil municipal et dans l’administration des affaires de la Ville.

 

En mars 2005, suite aux demandes répétées de la Ville, l’Assemblée législative de l’Ontario adopte la Loi 163 et enchâsse dans la loi constitutive de la nouvelle Ville d’Ottawa l’obligation de celle-ci d’avoir une politique de bilinguisme.

 

Le Comité consultatif sur les services en français (CCSF), avec l’appui de la Division des services en français (DSF), a pour mandat de conseiller la Ville d’Ottawa pour renforcer sa capacité de concevoir et mettre en place des services en français de qualité. Ainsi, la Ville a commandé au consultant Ronald Bisson et associés en 2005 et 2006 deux études, l’une sur ses services de garde et l’autre sur ses services récréatifs. Ces études ont démontré que des carences importantes persistent dans ces domaines, ce qui engendre des problèmes d’équité entre francophones et anglophones par rapport aux services qu’ils reçoivent. Les données émanant de ces études ont amené le consultant à recommander à la Ville qu’elle élabore et adopte une politique globale en matière de prestation de services récréatifs et de loisirs en français ainsi que des services de garde des enfants, politique qui comprendrait des principes directeurs, des objectifs visés, des éléments de mise en œuvre et des indicateurs de rendement.

 

En novembre 2006, le Comité consultatif sur les services en français recommande au Greffier, responsable d’appuyer le Conseil municipal dans la mise œuvre de sa Politique de bilinguisme, d’entamer la réflexion à un niveau plus global sur plusieurs domaines de services à la fois, ce qui a conduit à la présente étude.

 

Le présent exercice a pour but d’aider la Ville à établir les assises lui permettant de se doter d’un régime d’application approprié de son arrêté municipal du 9 mai 2001, capable de réaliser l’objet de la Politique de bilinguisme enchâssée par cet arrêté.

 

Dans le contexte de l’évolution même de la francophonie locale, qui regroupe de plus en plus de membres des communautés raciales et ethnoculturelles, il est pertinent de revoir les modèles de prestation de services municipaux en français déjà en place, de consolider les services en français et de planifier leur développement futur à la lumière des besoins changeants d’une population francophone de plus en plus diversifiée.

 

Ainsi, en janvier 2007, six ans après sa création, la nouvelle Ville d’Ottawa souhaitait jeter un regard d’ensemble sur l’important enjeu de l’égalité fondamentale des francophones et des anglophones en ce qui a trait aux affaires municipales et aux services qu’elle offre aux résidents de son territoire. Cette démarche lui apparaissait particulièrement opportune alors qu’elle s’apprête à mettre en application, pour la première fois à l’échelle de l’ensemble de l’administration municipale, la désignation des postes qui exigent le bilinguisme et de préciser pour chacun d’eux les compétences linguistiques requises. Le fait est que chaque année la Ville investit dans la formation linguistique à des fins éminemment pratiques, celles d’accroître les compétences de ses employés et de favoriser l’égalité d’usage du français et de l’anglais dans le milieu de travail; les employés qui en bénéficient ont pour leur part une responsabilité personnelle et corporative envers la réalisation de ces deux objectifs. La désignation est d’autant plus opportune qu’elle est attendue par les employés depuis un certain temps déjà et qu’elle permettra de normaliser à l’échelle de l’ensemble de l’administration les pratiques se rattachant aux exigences linguistiques des postes dans les processus de recrutement et de dotation ainsi que la formation linguistique.

 

1.2          Objectifs de l’étude

 

La Ville veut profiter du momentum de cette normalisation des processus de gestion des ressources humaines qu’engendrera la mise en place de la désignation des exigences linguistiques des postes pour renforcer le régime d’application de sa Politique de bilinguisme.

 

La présente étude vise donc à faire un examen d’ensemble de l’application de la Politique de bilinguisme de la Ville, à analyser les principaux obstacles auxquels elle doit faire face ainsi que la dynamique de sa mise en œuvre et à dégager les pistes d’action prioritaires et opportunes à prendre à ce moment critique de l’évolution de la Ville.

 

Il s’agit de tracer la voie à suivre pour réussir les prochaines étapes avec le maximum d’efficacité et d’efficience. Il est important que les gestionnaires sachent dans quelle direction se diriger et connaissent les meilleurs moyens de réussir. À cet effet, il est prévu dans la Politique que chaque Service dépose un plan annuel de ses objectifs et un rapport de rendement de ses réalisations concernant le français et l’anglais au sein de son unité organisationnelle. Étant donné qu’il a été proposé que cette exigence soit mise en vigueur pour la première fois en 2008, les travaux de la présente étude viseront aussi à aider ces responsables à réussir le mieux possible à cet égard.

 

En somme, la présente étude doit tracer la feuille de route visant à réaliser entre francophones et anglophones l’égalité d’accès à des services municipaux de qualité égale, répondant à leurs besoins respectifs. Non pas de traiter tous les citoyens de façon uniforme, sans égard à leurs besoins propres, ce qui ne peut qu’accroître les inégalités. Étant donné les inégalités de situation, de caractéristiques et de besoins au départ, la feuille de route doit viser à réaliser l’égalité de résultats, soit l’égalité réelle entre francophones et anglophones lorsque ceux-ci communiquent avec la Ville ou en reçoivent les services.

 

1.3          Méthodologie

 

Les experts-conseil responsables de la présente étude ont convenu avec la Ville d’entreprendre une analyse poussée d’une quantité appréciable de documents pertinents et de discuter des enjeux et des pratiques en cours dans le cadre d’entrevues individuelles et de discussions en groupe.

 

Une cinquantaine d’entrevues individuelles et de séances de réflexion et discussion en groupe ont été réalisées au cours de l’hiver et du printemps 2007. L’exercice a permis de réfléchir ensemble, à haute voix, sur la prestation de services municipaux avec un échantillon de cadres et d’employés de tous les secteurs d’activités et de tous les échelons de l’administration municipale. Cette démarche a aussi permis d’intégrer une série de consultations de citoyens, d’institutions et d’organismes communautaires, partenaires ou clients de la ville, dans la mise en œuvre des services municipaux en français. L’analyse croisée de l’intelligence ainsi développée et la contre-vérification de certaines données ont permis de dégager l’état actuel de l’application de la Politique de bilinguisme de la Ville ainsi qu’une saine compréhension des forces et des faiblesses inhérentes à la dynamique de sa mise en œuvre et au régime de son application.

 

1.4          Sommaire de l’état des lieux

 

Au fur et à mesure que se déroulait notre étude, il devenait de plus en plus évident que la très grande majorité des cadres et des employés ignorait le contenu de la Politique de bilinguisme de la Ville et que, à quelques exceptions près, ceux et celles qui en connaissaient les grandes lignes n’en comprenaient ni la portée juridique, ni la portée pratique.

 

Dans de telles circonstances, il ne fallait pas nous étonner de constater que, en définitive, le bilinguisme à la Ville d’Ottawa se limite à un bilinguisme de façade. De plus, il s’agit le plus souvent d’un bilinguisme de façade qui n’est disponible que sur demande. À toutes fins pratiques, cela veut dire que l’offre active, qui permet aux Ottaviens d’expression française et d’expression anglaise de choisir librement la langue officielle dans laquelle ils préfèrent communiquer avec la Ville et en recevoir les services, n’est qu’une illusion inscrite dans la Politique statutaire de bilinguisme de la Ville.

 

Ainsi, à première vue, les principaux services de réception, le Centre d’appel (ligne 311), les principaux documents publics et la politique de consultation publique présentent un visage bilingue. Le Centre d’appel, par exemple, prétend avoir intégré les règles de l’art du service bilingue; pourtant, le taux d’appel en français est tellement bas que cela soulève des questions légitimes. L’expérience révèle que même avec une image négative au départ, une identification bilingue, un accueil courtois et une offre active de service illustrent la volonté d’offrir des services de qualité égale en français et en anglais, ce qui génère rapidement une demande exprimée qui se rapproche de la demande potentielle.

 

La Ville communique avec ses citoyens en français comme en anglais, même si le personnel est parfois hésitant, et ses services de première ligne, l’accueil téléphonique et en personne à l’Hôtel de Ville, ses publications et son site Internet, à titre d’exemples, sont généralement bilingues. Elle doit maintenant, en plus de continuer à fournir dans les deux langues des renseignements sur les services qu’elle offre, s’intéresser à la prestation de services plus complexes, tels que, par exemple, les services aux sans-abri et aux locataires vulnérables, les services d’urgence et les services de santé publique. 

 

La dure réalité du bilinguisme des services municipaux de la Ville d’Ottawa, la capitale nationale du Canada, est la suivante : dès qu’un contribuable franchit la ligne de l’accueil, dès que la réception le réfère au service dont il a besoin, obtenir ce service en français est très aléatoire, même sur demande expresse, et, dans le cas de plusieurs services, il est disponible en anglais seulement. Le « You don’t speak English? », dit avec étonnement, n’est pas rare; à l’inverse, l’offre active réelle est une perle rare. Ce faisant, la Ville contribue à l’assimilation de sa communauté francophone.

 

Dans un tel contexte, quand on sait que la situation n’est guère meilleure dans le domaine des services professionnels et commerciaux privés, il est étonnant de constater qu’il y a néanmoins une demande exprimée en français qui perdure. Sur le plan de la psychologie du comportement, cela tient presque du miracle.

 

2.               Cadre juridique[1]

 

Ce chapitre traite successivement des droits du public et des obligations gouvernementales, y compris les principes directeurs d’ordre constitutionnel qui sont indispensables à une juste compréhension de leur portée. Il présente ensuite l’architecture de la Politique de bilinguisme de la Ville. Ce chapitre a pour but d’aider le Conseil municipal et les dirigeants de l’administration de la Ville d’Ottawa à bien comprendre leurs obligations linguistiques légales à cet égard et les répercussions pratiques qui en découlent.

 

2.1          Les droits du public

 

Comme nous le verrons plus loin, au Canada, les droits linguistiques, qui déterminent le statut et l’usage du français et de l’anglais, les deux langues officielles du pays, ainsi que les droits et privilèges des francophones et des anglophones, sont interdépendantes et se complètent les unes les autres.

 

Les droits linguistiques doivent être considérés et compris comme un tout, et mis en œuvre dans le même esprit, qu’ils proviennent :

o      de règlements ou d’arrêtés municipaux;

o      de lois adoptées par l’assemblée législative d’une province ou d’un territoire;

o      d’arrêtés en conseil ou de règlements d’un gouvernement provincial ou territorial;

o      de lois adoptées par le Parlement du Canada;

o      de décrets ou d’arrêtés du Gouverneur général en conseil ou de règlements du gouvernement fédéral;

o      de la constitution d’une province ou de celle du Canada;

o      des quatre principes directeurs de l’ordre constitutionnel canadien.

 

À première vue, les droits linguistiques varient d’une région à l’autre du pays étant donné que la législation qui les a édifiés diffère d’une province à l’autre et, à l’intérieur d’une même province, d’une municipalité à l’autre. Pourtant, dans une large mesure, il s’agit d’une illusion.

 

En effet, les membres du public au Canada ont tous les mêmes droits linguistiques; le plus souvent, il suffit qu’ils soient au même endroit. S’ils se déplacent sur le territoire, leurs droits linguistiques diminuent ou augmentent, dépendamment où ils se trouvent. Les droits linguistiques peuvent aussi varier d’un endroit à l’autre parce que les conditions de leur exercice ne sont pas concrétisées partout sur le territoire. Le critère de la « demande importante » pour ce qui est du droit de communiquer avec le gouvernement fédéral dans la langue officielle de notre choix et d’en recevoir les services disponibles ou celui de « là où le nombre le justifie » pour ce qui est l’enseignement dans la langue de la minorité linguistique de sa province de résidence dans des établissements d’enseignements de la minorité financés à même les fonds publics en sont des exemples probants.

 

Les droits linguistiques forment aussi un tout dans la perspective de la Cour suprême du Canada puisque, dans une décision charnière qu’elle a rendue en 1999, l’arrêt Beaulac, elle a édicté que :

 

« Les droits linguistiques doivent dans tous les cas être interprétés en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle au Canada. » (Le souligné est de la Cour.)

 

En réalité, par cette seule phrase, la Cour suprême du Canada a défini l’objet de l’ensemble du régime des droits linguistiques du pays. C’est simple, ils poursuivent tous le même but, soit le maintien et l’épanouissement des collectivités francophones et anglophones, à plus forte raison les communautés vulnérables qui vivent en situation minoritaire. Il n’y a aucune exception.

 

Il s’ensuit, comme nous le verrons ci-dessous, que les droits linguistiques doivent, dans tous les cas, être mis en œuvre de manière à contribuer à produire ce résultat visé, soit le maintien et l’épanouissement des deux collectivités de langue officielle au Canada.

 

Si l’objet des droits linguistiques, quel qu’il soit et quelle qu’en soit la nature ou l’origine, est toujours le même, chacun des droits linguistiques du public est complémentaire aux autres droits.

 

Ainsi, les droits linguistiques forment aussi un tout, quelle qu’en soit la source, lorsqu’ils sont vus sous l’angle d’un membre du public. Par exemple, en tant que résident d’Ottawa, vous bénéficiez de toute une gamme de droits linguistiques parce que vous résidez :

·         dans un pays dont la constitution statue que « Le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada;[2] » (Le soulignement est de nous.)

·         dans une région désignée en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario, ce qui vous confère le droit de vous prévaloir des services de la province offerts localement dans la langue officielle de votre choix;

·         dans la capitale du Canada en vertu de l’article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867, une situation unique au pays; et

·         dans une ville qui reconnaît l’égalité entre francophones et anglophones[3] en vertu de sa Politique de bilinguisme de 2001 et de son arrêté 2001-170, lesquels découlent d’une tradition qui remonte à son arrêté 358-70 adopté en 1970.

 

En définitive, si le maintien et l’épanouissement de la communauté minoritaire francophone ne peuvent être assurés à Ottawa, en dépit du poids démographique de la communauté et de l’ensemble des droits qui lui sont garantis, il est illusoire de penser qu’ils peuvent l’être ailleurs à l’extérieur du Québec. Il en est également ainsi pour la communauté minoritaire d’expression anglaise de cette province.

 

2.2          Les obligations des gouvernements

 

Les limites inhérentes à la présente étude exigent que nous nous en tenions à quelques éléments fondamentaux, de manière à mieux faire comprendre la nature et l’interdépendance des obligations des trois paliers de gouvernement au Canada à être doté d’un pouvoir législatif général propre. Les obligations particulières de chacun des paliers de gouvernement doivent nécessairement être assumées par les élus et les employés de ce gouvernement, qu’il soit fédéral, provincial, territorial ou municipal. Chaque palier doit s'acquitter de ses obligations propres car, étant donné leur interdépendance, l'inaction d'un palier de gouvernement peut avoir d'importantes conséquences pratiques sur le respect des obligations des autres. Cette situation comporte aussi une certaine interdépendance financière; ainsi, à titre de région désignée de l'Ontario et de son statut de capitale nationale, la Ville d'Ottawa devrait s'attendre à ce que les deux paliers supérieurs de gouvernement partagent une partie des coûts supplémentaires que, le cas échéant, peut engendrer l'application de sa Politique de bilinguisme. 

 

2.2.1    Principes directeurs de l’ordre constitutionnel canadien

 

Il importe de revenir sur les quatre principes directeurs de l’ordre constitutionnel canadien, que la Cour suprême du Canada a édictés en 1998 dans le cadre de son Avis sur la sécession du Québec.

Ces principes directeurs sont des principes non écrits, tous égaux, qui sous-tendent l’ensemble des droits au Canada et qui sont porteurs d’obligations positives. Ce sont :

·     « la démocratie;

·     la primauté du droit;

·     le fédéralisme; et

·     le respect et la protection des minorités. »

 

Soulignons le fait que l’État, dans une fédération, est constitué de plusieurs paliers de gouvernement. Ensemble, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ainsi que les municipalités que ces derniers ont créées, constituent l’État canadien. Ensemble, avec leurs champs de juridiction propres ou partagés, le plus souvent interdépendants et complémentaires en pratique, ils constituent le gouvernement du Canada. Ensemble, ils doivent entièrement réaliser l’objet précité des droits linguistiques.

 

2.2.2    Le jugement Montfort

 

Lorsque la Cour d’Appel de l’Ontario a procédé à l’application du principe du respect et de la protection des minorités dans le cadre du jugement Montfort, rendu en février 2002, elle a statué que la Loi sur les services en français, adoptée en 1986, est une loi quasi-constitutionnelle. La raison d’être de la Loi est clairement décrite dans son préambule :

·         « Attendu que la langue française a joué en Ontario un rôle historique et honorable, et que la Constitution lui reconnaît le statut de langue officielle au Canada;

·         Attendu que cette langue jouit, en Ontario, du statut de langue officielle devant les tribunaux et dans l’éducation;

·         Attendu que l’Assemblée législative reconnaît l’apport du patrimoine culturel de la population francophone et désire le sauvegarder pour les générations à venir; et

·         Attendu qu’il est souhaitable de garantir l’emploi de la langue française dans les institutions de la Législature et du gouvernement de l’Ontario, comme le prévoit la Loi; ».

 

À ce titre, cette Loi a préséance sur toute autre loi ordinaire de la Législature de la province. Elle lie directement le gouvernement à la Constitution canadienne et au principe fondamental du respect et de la protection des minorités. Elle lie aussi à ce principe les institutions publiques et les organismes qui exercent un mandat public[4], que celui-ci soit dans la sphère de juridiction du palier fédéral, provincial ou municipal du gouvernement canadien. En effet, tout organisme qui exerce un mandat public ou assure un service public est tenu de l’exercer dans l’intérêt public. La Cour a établi que le respect et la protection des minorités, nommément les minorités de langue officielle, font partie intégrante de l’intérêt public.

 

En pratique, par conséquent, les élus et les employés de la Ville d’Ottawa, y compris ceux d’autres organismes qui dispensent des services municipaux sur le territoire de la Ville, les services de police, d’électricité, de la bibliothèque et du logement communautaire[5], doivent constamment agir dans l’intérêt public, de manière à assurer le respect et la protection de la communauté francophone d’Ottawa. La Ville d’Ottawa doit agir de manière cohérente avec son statut de capitale nationale d’un pays qui a deux langues officielles ainsi qu’avec les valeurs constitutionnelles inhérentes à sa Politique de bilinguisme. Les dirigeants politiques et administratifs de la Ville doivent mettre en place, à l’intérieur du champ de juridiction de la Ville, y compris les plus récents transferts de responsabilités de la province dans le domaine des services ambulanciers et des services sociaux et communautaires, les mesures institutionnelles permettant de maintenir la langue française, de transmettre la culture d’expression française, de favoriser la solidarité au sein de la minorité franco-ontarienne et de protéger cette culture contre l’assimilation. Enfin, en tant qu’institution, la Ville d’Ottawa appartient à ses deux collectivités de langue officielle; elle doit protéger la communauté minoritaire francophone, refléter son identité et contribuer activement à son maintien et son épanouissement.

 

2.2.3    Principes directeurs constitutionnels

 

Revenons sur l’objet de l’ensemble du régime des droits linguistiques au Canada, tel qu’énoncé dans l’arrêt Beaulac. En pratique, cela signifie que les élus et l’administration de la Ville d’Ottawa doivent exercer leurs fonctions de manière à favoriser le maintien et le développement de la francophonie d’Ottawa, ce qui contribue à celles de l’Ontario et du Canada. Les pratiques assimilatrices, qui ont pour effet d’attribuer par inadvertance un statut d’infériorité à la langue française ou à ceux et celles qui la parlent, individus ou groupes, devraient être remplacées par des mesures positives de soutien actif pour assurer, dans toute la mesure de leur champ d’influence, la pérennité et l’épanouissement de la communauté minoritaire francophone.

 

Les principes établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Beaulac sont clairs. La Ville d’Ottawa est tenue d’être institutionnellement bilingue afin d’assurer l’emploi égal de ses deux langues officielles. L’égalité des deux langues officielles de la Ville vise une égalité réelle. Ces principes constitutionnels, qui forment une précieuse carte de route pour les dirigeants de la Ville, sont les suivants :

·    « Ce principe d’égalité réelle a une signification.  Il signifie notamment que les droits linguistiques de nature institutionnelle exigent des mesures gouvernementales pour leur mise en œuvre et créent, en conséquence, des obligations pour l’État.

·     Il signifie également que l’exercice de droits linguistiques ne doit pas être considéré comme exceptionnel, ni comme une sorte de réponse à une demande d’accommodement.

·     Un simple inconvénient administratif n’est pas un facteur pertinent.  La disponibilité de personnel, la charge de travail et les coûts financiers supplémentaires de modification d’horaire ne doivent pas être pris en considération parce que l’existence de droits linguistiques exige que le gouvernement satisfasse aux dispositions de la loi en maintenant une infrastructure institutionnelle adéquate et en fournissant des services dans les deux langues officielles de façon égale.

·     Dans un cadre de bilinguisme institutionnel, une demande de service dans la langue de la minorité de langue officielle ne doit pas être traitée comme s’il y avait une langue officielle principale et une obligation d’accommodement en ce qui concerne l’emploi de l’autre langue officielle. Le principe directeur est celui de l’égalité des deux langues officielles.

 

·     L’aptitude à parler anglais n’est pas pertinente parce que le choix de la langue a pour but de permettre au public visé d’obtenir un accès égal à un service public qui répond à son identité linguistique et culturelle.

·     La simple capacité d’un membre du public de parler une langue officielle lui confère la liberté de choisir la langue officielle que devront utiliser les employés gouvernementaux pour communiquer avec lui, répondre à sa demande ou lui assurer le service qu’il requiert.

·     L’intention du législateur n’est pas de restreindre le droit des Canadiens bilingues quand, dans la réalité, les minorités de langue officielle, qui ont le taux le plus élevé de bilinguisme, sont les personnes auxquelles les droits linguistiques doivent avant tout venir en aide.

 

·     Les droits linguistiques ont une origine et un rôle complètement distincts.  Ils visent à protéger les minorités de langue officielle du pays et à assurer l’égalité de statut du français et de l’anglais.

·     Les droits linguistiques doivent être mis en œuvre en tenant compte de leur caractère réparateur, de leur nature substantielle et de leur objet, qui vise d’abord et avant tout à aider les membres des collectivités des deux langues officielles à obtenir un accès égal à des services particuliers dans leur propre langue. » (Extraits de l’arrêt Beaulac)

 

Les dirigeants, les cadres et les employés de la Ville d’Ottawa doivent prendre conscience de la portée de leur responsabilité légale, voire fondamentale, envers la communauté francophone et s’acquitter de leurs fonctions de manière à favoriser le développement et l’épanouissement de cette communauté qui vie en situation minoritaire sur le territoire de la Ville. Cette responsabilité a trait à la prise de mesures positives à cette fin et vise la participation propre de la Ville d’Ottawa à l’édification du Canada. Cette responsabilité a trait à l’édification de l’égalité réelle entre les francophones et les anglophones de la capitale du Canada.

 

2.2.4    Le statut de capitale nationale

 

Le statut unique de capitale du Canada, un pays dont la loi suprême a enchâssé l’égalité du français et de l’anglais en tant que ses deux langues officielles[6], comporte une multitude d’avantages. Ces avantages n’ont fait que croître au fil de l’histoire.

 

Ce statut particulier comporte aussi forcément des responsabilités uniques. Refléter l’égalité du français et de l’anglais, l’exprimer et le vivre en sont des éléments. Savoir accueillir dans le respect de leur identité et de leur culture propre les francophones et les anglophones de tout le pays, dans leur capitale nationale, de manière à ce que l’expérience de leur séjour leur confirme qu’ils vivent effectivement dans un pays bilingue et séjournent dans sa capitale, la Ville d’Ottawa, elle aussi bilingue. Une ville où francophones et anglophones peuvent se sentir chez eux. Une ville qui contribue au maintien et à l’épanouissement des deux grandes collectivités linguistiques du pays et s’acquitte de cette responsabilité fondamentale avec honneur. Procéder ainsi comporte un autre avantage de taille : il fait partie des pratiques exemplaires de l’expansion du tourisme et du développement économique de la Ville.

 

2.3          L’architecture de la Politique de bilinguisme

 

La présente section vise à dégager les principaux éléments de la Politique de bilinguisme de manière à permettre aux dirigeants, tant les élus que les cadres de direction de l’administration, et aux employés de la Ville ainsi qu’à ses résidents de se familiariser avec ses dispositions clés et de s’approprier graduellement son contenu, tant en ce qui a trait aux droits du public qu’aux obligations de la Ville. Une juste compréhension du sens et de la portée juridique de cette Politique législative qui a également préséance sur toute la législation ordinaire de la Ville, est indispensable à la réalisation de son objet.

 

Le caractère bilingue d’Ottawa, une réalité depuis plus de deux siècles, ainsi que l’égalité de droits, statut et privilèges des deux groupes de langue officielle constituent le principe fondamental sur lequel repose toute la Politique de bilinguisme de la Ville. Cette Politique s’inscrit dans le cadre de l’article 16 (3) de la Loi constitutionnelle de 1982, soit la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais. C’est pour réaliser cette égalité et en faire une égalité réelle, suivant l’objet de tous les droits linguistiques au Canada tel qu’établi par la Cour suprême du Canada et les principes directeurs de la Cour énoncés ci-dessus, que la Politique stipule ce qui suit :

« Pour ce faire, elle (la Ville) doit :

·         Encourager les employés à travailler dans la langue officielle de leur choix.

·         Prendre les mesures nécessaires pour qu’il y ait en tout temps un nombre suffisant d’employés bilingues.

·         Nommer des employés répondant aux exigences linguistiques des unités s’il se produit des vacances et, le cas échéant, assurer la formation linguistique des nouveaux titulaires.[7]

·         Voir à ce que les programmes culturels destinés à un groupe linguistique officiel soient conçus par des employés connaissant à fond la culture concernée.

·         Voir à ce que la Direction des services de secrétariat (Division des services en français) donne suite aux plaintes de citoyens en matière de services dans les deux langues officielles.

·         Voir à ce que tout document publié par la Ville d’Ottawa ou ses organismes et destiné au public (interne et externe), paraisse dans les deux langues officielles. »

 

Ces dispositions générales sont complétées par une série de directives spécifiques. Celles qui suivent doivent être bien comprises car elles ont l’avantage de dresser l’essentiel de la structure du régime d’application de la Politique, y compris le cadre d’imputabilité :

·     « Que la Ville d’Ottawa réitère auprès des citoyens et de ses employés son engagement face à la question du bilinguisme et mette en œuvre un plan et des moyens de promotion de sa politique de bilinguisme.

·      Que le directeur des Services municipaux présente un rapport indiquant le coût approximatif de l’exécution des recommandations contenues dans la présente politique.

·      Que la mise en œuvre du plan et des moyens soit définie comme étant la tâche de chaque gestionnaire, directeur, directeur général et du directeur des Services municipaux.

·      Que chaque année, le directeur général de chacun des Services prépare un plan annuel sur les langues officielles faisant état des réalisations des douze derniers mois, soumette des plans ou projets pour les douze prochains mois et que ce plan soit approuvé, avec ou sans modification, par le Conseil municipal et rendu public.

·      Que les objectifs linguistiques fassent partie de l’évaluation du rendement des employés qui occupent des postes comportant des exigences linguistiques en langue seconde auxquelles les titulaires ne satisfaisaient pas au moment de leur nomination permanente, afin d’évaluer leurs progrès linguistiques.

·      Que les progrès de mise en œuvre soient inclus dans l’évaluation annuelle des employés et des Services et que l’on en fasse mention dans les rapports trimestriels et annuels. »

 

Des directives complémentaires sont reproduites à l’annexe 1. Elles sont toutes aussi claires les unes que les autres et permettent de bien saisir l’intention du législateur. 

D’autres dispositions permettent de comprendre toute l’importance que revêt l’égalité des chances, tant pour les francophones que les anglophones, en ce qui a trait à l’emploi et l’avancement dans la fonction publique municipale de la capitale du Canada.

 

Le Conseil et les cadres de direction de la Ville ont la responsabilité de créer et maintenir un milieu de travail respectueux de l’égalité de statut du français et de l’anglais et propice à l’emploi des deux langues. Chaque employé est personnellement responsable de prendre les dispositions pour acquérir et perfectionner ses compétences linguistiques mais également, ce qui est d’importance critique, d’ancrer constamment les compétences nouvellement acquises, en partie ou en totalité aux frais du gouvernement municipal, en les utilisant pleinement dans le milieu de travail. Après tout, à quoi sert d’acquérir une compétence si ce n’est de la mettre à profit dans l’intérêt public, ce qui, en l’occurrence sert éminemment bien l’enrichissement et les intérêts personnels et professionnels ainsi que la poursuite de sa carrière.

 

3.               Principaux enjeux, constats et observations

 

Ce chapitre présente d’abord les principaux enjeux qui se dégagent de l’ensemble de l’analyse de la présente étude, y compris celle des discussions approfondies tenues avec les principaux dirigeants de l’administration, des groupes internes et externes, et le Comité consultatif sur les services en français, dont la compétence et l’expérience uniques se sont avérées des plus utiles. En complément au sommaire de l’état des lieux qui figure dans l’introduction générale (voir 1. 4), le présent chapitre présente ensuite un ensemble de constats et d’analyses, qui permettent de mieux comprendre les comportements de l’administration et du public. On pourra ainsi, dans certains cas, saisir les attitudes sous-jacentes et mieux comprendre les fondements des enjeux clés qui ont émergés durant la présente étude.

 

3.1          Enjeux clés découverts

 

L’analyse de nombreux documents ayant trait à la Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa et à la prestation des services municipaux en français et en anglais ainsi que des 50 entrevues individuelles et séances de discussions de groupe réalisées dans la première moitié de 2007, tant au sein de l’administration que parmi ses clients et partenaires communautaires, permettent de dégager les enjeux clés dans la progression vers l’égalité réelle du français et de l’anglais dans la prestation des services municipaux :

ü                  L’engagement soutenu des dirigeants de la Ville, tant les élus que les cadres de l’administration, en commençant par les échelons les plus élevés, est absolument indispensable; cet engagement doit être régulièrement communiqué en termes clairs tant aux employés qu’au public[8] et les gestes posés au quotidien doivent constamment en confirmer l’authenticité.

ü                  La compréhension appropriée de la portée du cadre juridique de « l’égalité de droits et privilèges des deux groupes de langues officielles » constitue le premier pas du déclenchement d’un processus d’engagement à cet égard.

ü                  Une compréhension approfondie des caractéristiques et besoins propres des communautés linguistiques francophone et anglophone à desservir, lesquelles sont toutes deux de plus en plus diversifiées, ainsi que de leur distribution territoriale respective est essentielle à un engagement éclairé, un leadership structurant et une mobilisation administrative permettant de réaliser l’excellence des services au public en français et en anglais.

 

Pour réussir, il importe d’aborder ces trois enjeux de front tout en renforçant simultanément le régime d’application de la Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa, notamment par :

Ø      L’élaboration d’un Plan annuel sur les langues officielles, y compris un Plan de promotion de la Politique de bilinguisme auprès des citoyens et des employés, conformément aux articles R.1.1 et R.1.6 de la Politique de bilinguisme. 

Ø      L’élaboration et la mise en place d’un cadre de responsabilisation approprié et efficace permettant à la Ville de pleinement s’acquitter des obligations de sa Politique de bilinguisme.

Ø      La mise en place d’une stratégie permettant d’aligner graduellement la culture organisationnelle de la Ville avec les exigences de sa Politique de bilinguisme de la Ville, y compris par un régime de récompense approprié.

Ø      L’ajustement des politiques, programmes, mécanismes, processus et pratiques de la Ville de façon à favoriser l’atteinte de l’égalité dans les services en français et en anglais.

 

Le plus grand obstacle à la pleine mise en œuvre de la Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa, une politique bien conçue dont la validité a été reconnue par la Cour, réside dans sa méconnaissance répandue à l’échelle de l’administration municipale.

 

On ne peut mettre en œuvre une politique législative dont on ignore le contenu et la portée. C’est là la plus importante conclusion de la présente étude; elle a l’avantage de tracer la voie à suivre, celle de l’excellence recherchée. C’est précisément pour cette raison que le présent rapport prend le temps nécessaire pour bien exposer les paramètres du cadre juridique; à moins que les dirigeants et les employés de la Ville en apprivoisent le contenu et se l’approprient, le bilinguisme de la Ville d’Ottawa, capitale du Canada, restera un bilinguisme de façade.

 

3.2          Constats et analyse

 

Les constats et l’analyse qui suivent permettent au lecteur de mieux comprendre la situation qui prévaut, tant dans la perspective des prestataires de services municipaux que des membres du public qui ont le droit légal de se prévaloir de ces services dans la langue officielle de leur choix. L’expression « membres du public » se réfère soit au public externe, résidents ou visiteurs de la capitale nationale, soit au public interne composé des fonctionnaires municipaux qui sont sensés pouvoir travailler dans la langue officielle leur choix.

3.2.1    Progrès et reculs depuis 2001

 

Une vue d’ensemble de l’accès à des services égaux en français et en anglais sur le territoire municipal révèle des progrès et des reculs par rapport à la situation qui prévalait avant 2001. L’adoption de la Politique de bilinguisme qui a suivi la création de la nouvelle Ville d’Ottawa a eu pour effet d’étendre les droits qui s’y rattachent à l’ensemble de la population visée. Ainsi, les personnes résidant sur le territoire des anciennes municipalités qui n’avaient aucune politique de bilinguisme avaient uniquement droit aux services municipaux offerts par la Municipalité régionale d’Ottawa-Carleton; en pratique, toutefois, les fonctionnaires bilingues de ces municipalités offraient volontiers leurs services en français lorsque les citoyens le leur demandaient. Le fait est que ces citoyens peuvent aujourd’hui souvent communiquer avec leur administration municipale dans la langue officielle de leur choix et ils ont accès à une gamme élargie de services municipaux bilingues, y compris des services de loisirs qui auparavant n’étaient disponibles qu’en anglais. Toutefois, cette gamme de services demeure nettement moins étendue que celle dont jouissent les résidents des secteurs des anciennes villes d’Ottawa, Vanier, Gloucester et Cumberland.

 

Par ailleurs, l’accès des résidents de ces quatre anciennes municipalités à des services égaux en français et en anglais marque un net recul par rapport à la situation qui prévalait avant 2001. Or, ils constituent la majorité des francophones de la Ville. Les transformations gouvernementales entourant la création de la nouvelle ville d’Ottawa, l’intégration des fonctionnaires et des cultures organisationnelles des 12 anciennes municipalités, les délais entourant l’adoption de la Politique de bilinguisme et le laxisme qui a généralement prévalu dans son application, surtout dans les premières années, sont les principaux facteurs qui expliquent ce recul. De plus, la capacité de l’appareil municipal d’assurer des services égaux en français et en anglais a diminué pour ces derniers bien qu’elle se soit accrue pour les autres résidents du territoire municipal plus à l’Ouest.

 

3.2.2    Capacité bilingue réduite

 

Les employés bilingues, qu’ils soient francophones ou anglophones, ne coûtent pas plus cher que les employés unilingues; de plus, la réserve de candidats bilingues est bien garnie dans la capitale nationale. Plusieurs hauts fonctionnaires et gestionnaires intermédiaires francophones bilingues de l’ancienne Ville d’Ottawa ont pourtant été remplacés par des unilingues anglophones. Ces pratiques de recrutement qui ont suivi la création de la nouvelle Ville d’Ottawa ont généré une mosaïque de services inégaux; certaines unités ont néanmoins préservé leur détermination à fournir leurs services en français et en anglais tandis que la composition, le milieu de travail et la culture de plusieurs autres sont devenues nettement anglo-dominants.

 

La conséquence pratique d’une telle situation est que le français et les services municipaux au public francophone dans leur langue officielle disparaissent complètement des processus de planification de l’administration et des processus décisionnels de l’exécution des programmes. Ces unités, rappelons-le, opèrent dans une culture corporative qui, en ce qui concerne quatre (4) des onze (11) anciennes villes, soit Ottawa, Vanier, Gloucester et Cumberland, s’est beaucoup anglicisée. Lorsqu’on vie constamment dans un univers d’unilinguisme anglais, on prend pour acquis que tout le monde est anglophone, tant à l’intérieur de l’administration qu’au sein du public. L’anglicisation des francophones et leur assimilation culturelle en découlent ainsi qu’une insensibilité croissante aux besoins des citoyens, ce qui entraîne une détérioration graduelle de la qualité des services au public. C’est tout le contraire de l’excellence. À terme, le résultat net est tout simplement désastreux.

 

Par ailleurs, la note de bas de page no. 6 cite une disposition de la Politique de bilinguisme dont l’objectif est d’assurer que les postes désignés bilingues sont effectivement dotés par des personnes compétentes. Ainsi, l’intention du législateur est claire, et elle est conforme aux principes directeurs constitutionnels énoncés ci-dessus. Son application pourra enfin être effectivement assurée avec la rigueur requise uniquement à partir de janvier 2008, suite à l’entrée en vigueur de la désignation des postes. Toutefois, la réalité est que ce retard à appliquer la Politique a déjà engendré un recul majeur de la capacité de la Ville à respecter ses obligations. Il s’ensuit que cette omission rend encore plus abrupte la pente à monter pour redresser la situation. Le caractère réparateur des droits linguistiques exige par conséquent la prise de vigoureuses mesures de redressement. Des mesures appropriées de contrôle devront garantir que la Ville s’acquitte de ses obligations à cet égard. Les responsables, à tous les niveaux de la courroie d’imputabilité, doivent en être conscients et agir en conséquence.

 

La direction des Services aux employés n’a manifestement pas fait preuve de leadership à l’égard des responsabilités que lui attribue la Politique de bilinguisme. Il est encore temps de corriger une autre lacune majeure concernant les compétences linguistiques avant que ne soit mis en œuvre le nouveau régime de désignation des postes. En effet, la présente étude a révélé que l’une des quatre compétences linguistiques[9], soit l’expression écrite en langue seconde, est exclue des exigences linguistiques des postes bilingues dont la désignation est pratiquement achevée. Cette mesure aurait été prise dans l’intention, honorable en soi, d’éviter que circulent des versions de documents rédigées dans la langue seconde qui soient de qualité inférieure. Toutefois, cette mesure est mal avisée et va à l’encontre de la Politique. À moins d’y remédier dans les meilleurs délais, elle amplifiera l’inégalité actuelle d’usage du français et de l’anglais ainsi que le statut d’infériorité du français. Déjà, les employés francophones sont en train de perdre confiance dans leur compétence d’écrire en français, faute de le faire plus souvent, et les employés anglophones, qui forment la grande majorité des candidats et des employés actuels, auront autant moins d’occasions de parfaire leurs compétences linguistiques dans leur langue seconde, y compris quand celles-ci ont été acquises, en partie ou en totalité, aux frais des contribuables. C’est tout le contraire du message que « le système » devrait envoyer au public et à l’administration, et cela ne fera que faire croître davantage le recours à la traduction. 

 

3.2.3    La traduction

 

La fusion des 12 municipalités a engendré une demande accrue de traduction car il fallait normaliser une foule de documents, y compris les communications[10] de la nouvelle Ville d’Ottawa dans les deux langues officielles de celle-ci. Le fait est que la proportion d’unilingues est beaucoup plus élevée parmi les anglophones que parmi les francophones, tant au sein du public que de l’administration. Toutefois, ces unilingues doivent pouvoir comprendre l’information qui leur est destinée aussi bien que les bilingues, et ils doivent pourvoir accéder à des services municipaux d’égale qualité. Cette égalité ne pourrait se réaliser sans la traduction et l’interprétation simultanée ou consécutive. Les services d’interprétation et de traduction sont essentiels pour assurer des consultations publiques respectueuses des citoyens et garantir l’égalité de tous les participants aux débats du Conseil et de ses comités.

 

Les coûts réels de la traduction, qui inclut l’interprétation, comprennent le coût des pigistes ainsi que des coûts internes, ne cessent de croître. La traduction représente aujourd’hui plus de 70 p. cent du budget de la Division des services en français. Pourtant, la qualité de la version française des documents, même à ce jour, est nettement inférieure à la version anglaise. Les ressources nécessaires pour assurer aux documents de la Ville une qualité égale du français et de l’anglais n’ont pas été rendues disponibles. Cette situation porte atteinte à l’égalité fondamentale des deux langues officielles et des membres du public, externe et interne, qui les parlent.

 

Cette situation de qualité inférieure du français écrit doit être corrigée sans délai car elle entraine une série d’autres conséquences. Ainsi, par exemple, elle contribue à laisser l’impression non seulement parmi les contribuables mais aussi chez les employés bilingues, qu’ils soient francophones ou anglophones, que le français a un statut d’infériorité. Cette infériorité de statut social du français est ressentie par les francophones et se transmet facilement aux personnes à qui l’information (ou le service) est destinée. Cela a aussi pour effet de miner la légitimité d’assurer aux francophones, dans leur langue officielle, des services municipaux de qualité égale à ceux dont jouissent les anglophones. Des répercussions négatives s’ensuivent sur la qualité du milieu de travail ainsi que sur le tissu social des habitants de la Ville et la vigueur de leur identité culturelle. Il en va de même pour les autres Canadiens qui suivent l’actualité ou visitent leur capitale nationale. Leur sens d’appartenance au pays en est affaibli.

 

Les pratiques de gestion qui font en sorte qu’on « oublie » que les documents doivent être disponibles simultanément dans les deux langues officielles ne sont pas rares. La personne qui rappelle alors cette obligation est souvent perçue comme « l’empêcheur de tourner en rond » ou la première responsable des délais. Il en va de même lorsque survient un manque de planification lors de la production de documents, une pratique répandue, qui fait qu’on ne calcule pas le temps qu’exigent la révision linguistique de la version originale, la traduction, la révision de la version traduite et la lecture comparée des deux versions. Il n’est pas rare que le responsable d’une telle situation demande aux employés francophones bilingues de traduire des documents. C’est une perception erronée de croire que, parce qu’elle est bilingue, une personne est automatiquement capable de traduire un document, surtout quand c’est urgent, en un rien de temps. Les employés francophones acceptent car ils veulent répondre aux exigences du milieu de travail. Puis, on découvre d’importants glissements de sens car, sauf exception, la qualité risque fort de laisser à désirer, même avec les meilleures intentions du monde, de part et d’autre. C’est ignorer le fait que les traducteurs capables de traduire avec précision des documents complexes n’atteignent ce niveau de compétence qu’après plusieurs années d’expérience, le plus souvent en se spécialisant dans un domaine particulier. C’est ignorer aussi que les réviseurs ont des compétences propres, ce qui leur permet d’assurer aux documents une qualité qui respecte le génie propre de chaque langue. Autrement, le français est « une langue de traduction », ce qui ne devrait pas être le cas pour ni l’une ni l’autre des deux langues officielles du Canada et de sa capitale nationale. Prendre conscience de ces réalités est indispensable à l’excellence recherchée.

 

3.2.4    Les deux langues de travail

 

Il est essentiel de ne pas porter directement atteinte à la réalisation de l’objet fondamental de l’ensemble du régime des droits linguistiques au Canada, y compris celui de la Politique de bilinguisme de la Ville. Or, le fait est que les employés francophones de la Ville d’Ottawa s’anglicisent parce qu’ils travaillent à toutes fins pratiques en anglais seulement. Ils vivent quotidiennement dans un milieu de travail où l’anglais occupe une place nettement prédominante, au point où cette langue ne laisse pratiquement aucun espace d’expression à la langue française. Cette réalité, qui prévaut à l’échelle de l’ensemble de l’administration, rend impossible l’application de la Politique de bilinguisme.

 

Le Conseil et les cadres de direction de la Ville ont la responsabilité de créer et maintenir un milieu de travail respectueux de l’égalité de statut du français et de l’anglais et propice à l’emploi des deux langues. Leur responsabilité consiste aussi à créer et nourrir une culture professionnelle respectueuse de l’égalité fondamentale du français et de l’anglais. C’est pourtant le cas dans certaines petites unités de travail qui sont prêts de leurs clientèles et œuvre sur le terrain communautaire. Il importe d’étendre cette sous-culture organisationnelle qui résiste encore à l’assimilation à la culture dominante et d’en faire la culture dominante qui rayonne dans l’ensemble de l’administration. Ce faisant, on ne pourrait faire autrement que de réaliser l’excellence à l’échelle de la Ville d’Ottawa.

 

Chaque employé est personnellement responsable de prendre les dispositions pour acquérir et perfectionner ses compétences linguistiques mais également, ce qui est d’importance critique, d’ancrer constamment les compétences nouvellement acquises, en partie ou en totalité aux frais du gouvernement municipal, en les utilisant pleinement dans le milieu de travail. Après tout, à quoi sert d’acquérir une compétence si ce n’est de la mettre à profit dans l’intérêt public, ce qui, en l’occurrence sert éminemment bien l’enrichissement et les intérêts personnels et professionnels ainsi que la poursuite de sa carrière.

 

3.2.5    L’offre et la demande de services bilingues

 

Dans le domaine des services dans la langue de la minorité de langue officielle, particulièrement quand il s’agit de services publics, l’offre doit toujours précéder la demande. De plus, l’offre de services doit être activement offerte, disponible en tout temps et fiable, sans exception. Enfin, elle doit être assurée pendant suffisamment longtemps, même en présence d’une très faible demande exprimée, pour permettre l’enracinement du service et le changement graduel de comportement de la minorité. Il n’est ni juste, ni réaliste de penser qu’une communauté francophone qui a été privée pendant des années, voire des décennies, de l’accès dans sa langue à un service de qualité égale à celui offert en anglais, puisse, après un essai plus ou moins réussi et connu, changer soudainement un comportement bien ancré, celui de constamment devoir se replier sur l’obligation, en pratique, de devoir consommer ses services en anglais. À plus forte raison quand on est vulnérable ou il s’agit d’un service dont on a grandement besoin ou qu’il est urgent d’obtenir. De plus, l’enracinement d’une nouvelle habitude de consommation des services municipaux en français plutôt qu’en anglais est rendue difficile par le fait que le service en français continue de faire défaut dans bien d’autres services publics ou privés. La fréquence suivant laquelle on se prévaut d’un service donné doit donc être suffisante pour que s’installe graduellement une nouvelle habitude par rapport à ce service, et que celle-ci puisse s’ancrer adéquatement.

 

Quant à la perception qu’on peut avoir de la demande de service en français, il faut, là aussi, revoir certaines vues arrêtées. Une chose est certaine : personne ne peut demander un service dans une langue qu’elle ne peut parler. À l’inverse, la demande potentielle dans une langue officielle donnée est constituée par l’ensemble des locuteurs de cette langue. Encore ici, bien que, dans le cas des services de la Ville d’Ottawa, les nombres n’ont aucune validité légale[11], les enseignements de la Cour suprême du Canda peuvent nous éclairer à cet égard :

 

« Une méthode simple, comme la langue maternelle, (…) n’offre pas de solution pour de nombreuses situations possibles dans une société multiculturelle; la langue n’est pas une caractéristique statique.  Certaines personnes soutiennent qu’elles ont deux langues maternelles.  Certaines personnes ont une langue maternelle qui n’est ni le français ni l’anglais (…) et parlent à la maison soit leur langue maternelle, soit leur langue maternelle et le français ou l’anglais, ou le français et l’anglais.  Il se peut que leur langue au travail soit l’anglais ou le français (…) et que leur langue de contacts sociaux ne soit pas la même que leur langue au travail.  La langue d’usage d’une personne peut changer lorsque cette personne change d’emploi, se marie ou divorce, ou se fait de nouveaux amis. (…) Les principes sur lesquels le droit linguistique est fondé, le fait que le droit de base est absolu, l’exigence d’égalité dans la prestation de services dans les deux langues officielles au Canada et la nature substantielle du droit indiquent tous que les Canadiens sont libres d’affirmer que l’une ou l’autre langue officielle est la leur.  Ce n’est pas forcément la langue dominante. » (Extraits de l’arrêt Beaulac)

 

Bref, il suffit que le demandeur puisse la parler.

 

3.2.6    Langue, identité et dignité

 

La langue anglaise est parlée par une majorité de Canadiens et, même si elle est parlée par 38 p. cent de la population des Amériques, comparativement à 40 p. cent pour l’espagnol, elle a un statut de langue dominante, notamment à cause de la place unique qu’occupent les États-Unis sur l’échiquier mondial. C’est sans doute ce qui explique en grande partie le fait qu’elle soit essentiellement perçue par la majorité des anglophones uniquement comme une langue de communication, puisque dans leur esprit, de toute façon, « tout le monde parle anglais ».

 

Il en est tout autre du français, auquel l’attachement des francophones reflète sans doute en partie le fait qu’elle soit menacée dans leur milieu de vie, dans lequel elle est parlée par une minorité de personnes. Aux yeux des francophones, leur langue est au centre de leur identité culturelle. C’est aussi une question de savoir vivre et de courtoisie élémentaire.

 

Dans ce contexte, il est difficile de comprendre, à moins de l’avoir vécu à répétition, jusqu’à quel point, sans le vouloir ni même le réaliser, la personne responsable de rendre un service au public peut porter atteinte à la dignité de la personne qu’elle sert quand elle rétorque, en anglais, aux premiers mots de français du client : « I don’t speak French ». Quand il s’agit d’un fonctionnaire d’un des paliers de gouvernement de l’État canadien, responsable d’assurer en personne un service public dans la langue officielle que choisit le contribuable, ce dernier peut avoir l’impression qu’il se trouve dans une situation où il doit payer pour se faire insulter. À plus forte raison quand le citoyen, qui adresse la parole dans l’une des langues officielles de son pays, le fait avec le sourire et la plus grande courtoisie.

 

La situation se complique lorsqu’il s’agit d’une personne vulnérable, qu’elle ait besoin d’un emploi pour nourrir ses enfants, qu’elle soit malade et doive chercher ses mots pour essayer d’expliquer sa douleur ou qu’elle ne comprenne que le tiers des explications qu’on lui donne au sujet des effets croisés que peuvent avoir sur elle et sa famille telle ou telle mesure de l’administration. Sans un accès clair et direct à des services en français de qualité égale à ceux offerts en anglais, les francophones sont, par définition, défavorisés quand vient le temps de communiquer avec la Ville ou de recevoir les services financés par leurs taxes.

 

Dans la mesure où l’égalité des chances leur était assurée, ces Canadiens seraient de moins en moins nombreux à renier leur identité propre pour se confondre à la majorité[12].  L’assimilation cesserait d’être le fléau qu’elle est aujourd’hui.  Elle cesserait d’appauvrir les communautés et le Canada.

 

Les dirigeants et les employés de la Ville doivent être sensibilisés au rôle que joue la langue, particulièrement pour la communauté minoritaire francophone : le français est le moyen par lequel les individus qui composent cette communauté expriment leur identité personnelle, leur individualité, leur identité culturelle. La Cour suprême du Canada nous l’a rappelé en 1985 dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba :

 

« L’importance des droits en matière linguistique est fondée sur le rôle essentiel que joue la langue dans l’existence, le développement et la dignité de l’être humain. C’est par le langage que nous pouvons former des concepts, structurer et ordonner le monde autour de nous.  Le langage constitue le pont entre l’isolement et la collectivité, qui permet aux êtres humains de délimiter les droits et obligations qu’ils ont les uns envers les autres, et ainsi, de vivre en société. »

 

Le respect ou le non respect que les personnes qui sont au service du public manifestent au client francophone qui s’exprime en français le touche directement dans sa dignité d’être humain. Dans ce même Canada qui a le français et l’anglais comme langues officielles, la blessure du non respect de son identité est profonde quand il s’agit d’employés de l’État canadien qui traitent ainsi leurs contribuables, en dépit de leurs obligations d’ordre constitutionnel envers les francophones et les anglophones.

 

Les personnes qui, directement ou indirectement, représentent la Ville d’Ottawa doivent être sensibilisées à ces réalités qui prennent une valeur accrue dans le contexte de la place unique qu’occupe leur ville. Réaliser l’objet de la Politique de bilinguisme, une responsabilité qui leur incombe, constitue :

 

« (…) un objectif particulièrement important compte tenu du rôle historique, politique et symbolique de la Ville. La Ville déclare que le Canada est un pays dont les langues officielles sont le français et l’anglais et qui est connue dans le monde entier pour son multiculturalisme. En tant que capitale du Canada, Ottawa est, par extension, un symbole important pour tous les Canadiens ainsi que pour le reste du monde du bilinguisme de notre nation. »[13]

 

3.3           Le chemin de l’excellence vs celui de la facilité

 

L’excellence, particulièrement dans les services municipaux qui sont offerts au public, figure au centre de la vision d’avenir que veulent réaliser à Ottawa, capitale du Canada, le maire et le conseil de la Ville d’Ottawa.

 

En réalité, l’excellence dans l’application de la Politique de bilinguisme n’est atteignable que dans la mesure où l’égalité du français et de l’anglais est effectivement respectée au quotidien dans le milieu de travail. C’est uniquement à ce prix que les employés pourront développer et maintenir la sensibilité nécessaire à un traitement courtois et approprié des contribuables francophones et anglophones, une condition sine qua non à l’excellence dans la prestation des services. De même, vue du point de vue opposé, les exigences inhérentes à l'atteinte de l'excellence dans l'application de la Politique de bilinguisme constituent à la Ville d'Ottawa une garantie de l'excellence du service au public.

 

L’importance du régime d’égalité de statut du français et de l’anglais dans le milieu de travail de l’administration municipale ne doit pas être sous-estimée. Il n’est pas réaliste de penser atteindre l’égalité d’usage du français et de l’anglais, en dépit de l’objectif énoncé à l’article 16 (3) de la Loi constitutionnelle de 1982 dont le libellé est bel et bien celui de la progression vers l’égalité (réelle) de statut et d’usage des deux langues officielles. La raison en est fort simple : le nombre de locuteurs de l’anglais est proportionnellement trop important par rapport à celui du français pour que l’égalité d’usage soit réalisable sur l’ensemble du territoire de la Ville d’Ottawa ou au sein de l’ensemble de son administration.

 

En pratique, dans les deux cas, on devrait retrouver un certain nombre d’ensembles où le français domine, un nombre plus important où prévaut généralement un usage égal des deux langues et un nombre plus important encore d’ensembles où prévaut et prévaudront toujours l’usage de l’anglais. C’est une simple question de mathématiques. Toutefois, il est tout à fait possible et réaliste de témoigner un respect égal au français et à l’anglais ainsi qu’aux Canadiens qui parlent l’une ou l’autre, ou encore les deux langues officielles (et une ou des langues non officielles). C’est également hautement souhaitable, voire indispensable à toute culture organisationnelle en milieu bilingue qui aspire à l’excellence.

 

L’excellence ne se trouve pas sur le chemin de l’insouciance, de la paresse, de la facilité, de la médiocrité. L’excellence exige un engagement personnel et institutionnel ferme et sans relâche. L’excellence exige une grande intégrité, de la rigueur intellectuelle, de la discipline, le souci du travail bien fait et des valeurs humanitaires tel le dévouement et le sens du service au public. Un employé, une unité, un service ou une administration qui ne sait témoigner d’un authentique respect envers la dignité humaine du public à desservir, anglophone, francophone ou allophone, ne peut aspirer à l’excellence, ni à la profonde satisfaction personnelle qu’accompagne sa réalisation.

 

3.4          Une culture de refus

 

Il existe dans plusieurs secteurs de la fonction publique municipale de la Ville d’Ottawa, à tous les échelons de l’administration, des employés qui se permettent de penser que la Politique est injustifiée et que, par conséquent, ils ne sont nullement tenus de l’appliquer. Qu’ils en soient conscients ou non, ils s’estiment au-dessus de la loi. C’est le droit qu’ils s’arrogent. Cela veut dire à toute fin pratique qu’ils refusent de s’acquitter des obligations qui incombent à leur poste et pour lesquelles ils sont rémunérés à même les fonds publics.

 

Il est utile de décrire quelques exemples et de les analyser afin de mieux comprendre les ramifications que peut avoir une culture organisationnelle.

 

La Politique de bilinguisme confie à la direction des Services aux employés de vastes responsabilités d’ordre opérationnel pour assurer son application. La Politique lui adresse une multitude de directives qu’il lui incombe d’exécuter. C’est la loi. Paradoxalement, c’est précisément dans cette direction, suivie de près par la direction des Communications[14], que la présente étude a découvert la plus grande résistance active à la mise en œuvre de la Politique de bilinguisme, bien que celle-ci soit d’ordre constitutionnel. La culture organisationnelle constatée sur place frisait le refus total d’exécution.

 

Sans doute moins visible sur la place publique mais non sans importance quant à leurs répercussions cumulatives, figurent les inégalités de traitement dont bénéficient les francophones de la part de la division du développement des affaires et des services d’approvisionnement de la Villes. Les entrepreneurs francophones ne reçoivent pas l’appui dont bénéficient les entrepreneurs anglophones et ils sont défavorisés aussi quand vient le temps de proposer leurs services en français. Pourquoi sont-ils défavorisés? Parce que les responsables n’ont pas les compétences linguistiques et culturelles qu’ils devraient avoir pour s’acquitter adéquatement des responsabilités fonctionnelles que la Ville leur a confiées et des obligations juridiques qui leur incombent en vertu de la Politique de bilinguisme.

 


3.4.1    Bilinguisme parlementaire et législatif

 

La présente étude a révélé que la Ville d’Ottawa adopte ses arrêtés municipaux en anglais seulement, plutôt qu’en français et en anglais, conformément à sa Politique de bilinguisme[15]. Par ailleurs, bien que ce soit inexact, seule la version anglaise des arrêtés municipaux est estimée avoir force de loi, la version française n’étant qu’une version traduite pour fin de commodité. De plus, les procès verbaux des réunions du Conseil municipal, lequel exerce le pouvoir législatif à ce palier du gouvernement du Canada, de même que ceux des réunions des comités permanents et consultatifs, sont rédigés en anglais seulement.

 

Paradoxalement, cette pratique émane du Manuel de procédure sur les services en français que le Conseil a adopté en mai 2003, à la suite du premier rapport que dépose le Directeur municipal sur l’application de la Politique de bilinguisme en novembre 2002, conformément à celle-ci. Il s’agit pourtant d’un instrument d’application de la Politique de bilinguisme, supposément destiné à en réaliser l’objet. Ce genre de réductionnisme n’est pas rare lorsque vient le temps d’élaborer des lois pour donner effet à la Constitution et encore moins quand vient le temps d’élaborer des procédures administratives destinées à donner effet aux lois et à en réaliser les objectifs. L’article 1.5 de ce Manuel, qui va directement à l’opposé de la Politique de bilinguisme, s’appuie sur la Loi sur les municipalités de l’Ontario. Pourtant, cette loi n’interdit pas le bilinguisme parlementaire et législatif et il existe bien d’autres dispositions linguistiques constitutionnelles et quasi constitutionnelles aux trois paliers de gouvernement concernés qui appuient l’égalité du français et de l’anglais.

 

3.4.2    Le paravent de législations de l’Ontario

 

Les lois de l’Assemblée législative de l’Ontario sont souvent vues de façon sélective par les personnes qui cherchent à se dérober devant leurs obligations légales. Elles proposent alors une interprétation très étroite de certaines dispositions, sans égard à la Loi sur les services en français et à son statut de loi quasi constitutionnel, pour justifier l’illégalité dans laquelle elles se retranchent sous le couvert d’arguments d’autorité.

 

Un exemple permettra de mieux comprendre les effets que peuvent engendrer une interprétation erronée de la Loi sur les municipalités. Ainsi, il y a quelques mois, les responsables à la Ville d’Ottawa sont allés jusqu’à exiger que le plan d’évacuation que le Mouvement d’implication francophone d’Orléans, le MIFO, leur avait proposé en français leur soit remis en anglais puisque cette exigence du commissaire des incendies découlait d’une législation du gouvernement de l’Ontario. Cette attitude, qui consiste à se cacher derrière de faux paravents pour éviter de s’acquitter de ses obligations linguistiques, est répandue au point de faire partie de la sous-culture organisationnelle de plusieurs parties de l’administration municipale. Lorsqu’une organisation atteint un stade aussi avancé, ses employés ont cessé de s’interroger. Ils agissent ainsi non pas sciemment mais machinalement. Cette nouvelle façon de faire devient la norme. Et « l’oubli » du français, de plus en plus répandu, devient la nouvelle norme culturelle de l’organisation.

 

Comment comprendre autrement l’oubli du Conseil municipal dans le cadre du processus de visionnement entrepris au printemps 2007? Ce n’est qu’à la toute fin de ce long processus, constatant que rien parmi les 52 recommandations et les 30 amendements ne se réfère au français, aux francophones ou aux services en français, que le Conseil ajoute une phrase à cet égard.

 

On fait parfois preuve d’un leadership exemplaire auprès de ses collègues et d’ingéniosité remarquable pour contourner la loi et trouver des voies d’évitement ou des passerelles bureaucratiques derrières lesquelles on se cache pour éviter de s’acquitter de ses obligations légales en vertu de la Politique. Pire, la culture organisationnelle tolère, permet et parfois même récompense de tels comportements!

 

Il revient à chacun, élu, cadre, employé de se demander en toute honnêteté, sur une échelle de moins 10 à plus 10, « Où est-ce que moi je me situe? » sur le continuum entre le refus et l’engagement personnel authentique. Le changement organisationnel qui mène à l’excellence dans la prestation des services au public commence là. À chacun ensuite, selon l’écart constaté, d’ajuster, au besoin, son cadre de perceptions, de réviser ses positions, de réorienter son attitude, et d’agir en conséquence.

 

3.5          Pratiques exemplaires

 

Le portrait de la situation présentée jusqu’ici peut laisser l’impression que celle-ci est uniquement de teinte grise ou grise foncée. En réalité, il y a aussi de petites zones roses, bien qu’elles soient trop clairsemées. Figurent parmi les pratiques exemplaires découvertes par ci et par là, notamment les quelques exemples suivants :

 

ü      L’Équipe du Programme de santé des francophones, qui a recours aux centres de ressources communautaires pour se rapprocher de la population, est sans contredit une perle en ce qui à trait à la qualité des services qu’elle rend au public vulnérable qui constitue sa clientèle cible. Son personnel fait les démarches nécessaires, sur le terrain, pour aller rencontrer les gens dans le besoin et leur faciliter l’accès à l’aide et au soutien publics qui peuvent leur être offerts. Les infirmières des services de Santé publique d’Ottawa offrent aux francophones des services linguistiquement et culturellement appropriés tels que décrits à l’Annexe 2.

 

ü      Les employés municipaux chargés de l’aide sociale et financière, lesquels font aussi partie des Services communautaires et de protection, se trouvent dans une situation similaire; ils accomplissent un travail remarquable avec des ressources, sommes toutes, modestes. Ce sont des personnes engagées, qui s’investissent de tout cœur dans leur travail d’aide à la population vulnérable d’Ottawa.

 

ü      Au Service du bâtiment, où convergent les transactions humaines se rattachant au plan municipal, au Code du bâtiment et à la protection de l’environnement, nous avons rencontré une équipe au sein de laquelle se pratiquent l’entraide et la collaboration, un sens poussé du devoir et le souci de bien servir le public dans la langue officielle de son choix. Bref, une culture de service au public et un leadership partagée dont on peut s’inspirer.

 

ü      Le projet de Centre multiservices francophone de l'Ouest d'Ottawa, que la Ville appuie, est fondé sur des principes d'aménagement qui ont fait leurs preuves. Grâce à ses nombreux partenaires, ce Centre réunira au même endroit une large gamme de services professionnels, communautaires, culturels, de santé et de loisirs, y compris une pharmacie, une institution financière, une garderie et un centre d'employabilité et d'entrepreneuriat. Ce futur Centre multiservices francophone deviendra ainsi un lieu privilégié de socialisation et de vie en français dont pourront bénéficier l'ensemble des locuteurs du français qui résident dans l'Ouest de la Ville. Déjà, en 2001, on en dénombrait plus de 100 000 alors que la population francophone avait augmenté de 25 p. cent en cinq ans. Le potentiel de ce projet est énorme : en identifiant les services prioritaires dont a besoin une population de quelque 30 000 habitants, un regroupement aussi efficace de services contribuera de façon importante à réaliser l'objet des droits linguistiques canadiens, y compris la Politique de bilinguisme, dans l'Ouest de la Ville d'Ottawa.

 

ü      Aux Services récréatifs et des loisirs, ce qui a retenu l’attention, c’est la méthode utilisée une fois la décision prise d’assurer des services de qualité en français, conformément aux recommandations émanant de l’étude de cet enjeu réalisée pour la Ville. Les responsables ont mis sur pied un groupe de travail francophone pour les accompagner dans l’identification des besoins prioritaires et des façons de s’y prendre pour assurer des services qui n’aient pas pour effet d’attacher au français un statut d’infériorité et d’assimiler ainsi les jeunes francophones par le sport et le jeu. Cette approche, par laquelle les responsables bénéficient aussi d’une rétroaction durant la mise en œuvre des mesures convenues, a permis de minimiser les efforts et d’optimiser les résultats.

 

Ces pratiques méritent d’être érigées en principe dans le cas des services personnels, tels les services sociaux, la santé, les loisirs, la culture, l’éducation, le sport. Ces services, qui sont partie des Services communautaires et de protection, ne sont pas de la même nature que les services se rattachant aux routes, aux aqueducs ou aux égouts. Dans le cas des services personnels, le gestionnaire responsable ne peut atteindre l’excellence qu’en constituant un comité consultatif francophone distinct pour l’accompagner dans la planification et la livraison des services au public qui relèvent de lui. C’est pratiquement la seule façon d’espérer pouvoir assurer au public des services linguistiquement et culturellement appropriés.

 

Dans cet échantillon, comme dans les autres cas de pratiques exemplaires, les responsables doivent faire preuve d’un leadership remarquable car ils ne reçoivent pas toujours l’appui qu’ils devraient recevoir de leur organisation, la culture de ces équipes étant à contre courant de la culture bureaucratique dominante du milieu organisationnel environnant.

 

4.               L’appui du public

 

Il est fort rassurant pour les responsables de la Ville d’Ottawa, tant au palier politique qu’administratif, de savoir jusqu’à quel point le bilinguisme reçoit du public un appui indéfectible, de plus en plus généralisé. Le bilinguisme fait désormais partie des mœurs des Canadiens. Il est devenu une source de fierté, même pour les unilingues, car il est associé à leur identité nationale.

 

Ainsi, une enquête d’opinion publique réalisée par Decima Research auprès de 2000 Canadiens, avec un sur-échantillonnage à 1000 répondants du Québec pour certaines questions, et publiée par le Commissariat aux langues officielles du Canada à l’automne 2006 révèle que la politique canadienne des langues officielles bénéficie d’un niveau d’appui inégalé et fait de plus en plus partie du tissu social canadien et de ce qui nous définit comme pays.

 

En résumé :

ü       Une forte majorité de Canadiens et de Canadiennes sont personnellement en faveur du

bilinguisme pour l’ensemble du pays (72 %) ainsi que pour leur propre province (70 %).

 

ü       Il s’agit d’une importante augmentation depuis 2003, à cause de l’appui accru des

anglophones. Chez les jeunes de 18 à 34 ans, l’appui au bilinguisme canadien s’élève à

80 %.

 

ü       Certaines nouvelles questions permettent de mieux évaluer les fondements de cet appui

à l’égard du bilinguisme et de l’égalité linguistique. Par exemple, 77 % des Canadiens et des Canadiennes estiment que si plus de ressources sont nécessaires pour assurer à la minorité francophone (ou anglophone, au Québec) une éducation de qualité égale à celle que reçoivent les enfants de la majorité, ces ressources devraient être affectées.

 

ü       Non seulement les deux langues officielles ont-elles fait du Canada du 21e  siècle un

pays plus ouvert, mais elles ont aussi engendré plus de solidarité au pays. En effet, pour 84 % des francophones et 74 % des anglophones, l’appartenance à une minorité de langue officielle ne doit pas entraîner une inégalité des chances entre francophones et anglophones, et ils sont tous les deux prêts à faire leur part pour assurer l’accès à des services essentiels d’égale qualité.

 

ü       D’autre part, la population canadienne continue de voir le bilinguisme comme un

avantage, tant au niveau personnel qu’économique : le bilinguisme est l’un des atouts les plus enrichissants que l’on peut posséder (84 %) et constitue un facteur de réussite au pays (84 %) et dans le monde (89 %).

 

ü       Pour la plupart des Canadiens et des Canadiennes, le bilinguisme entraîne

l’apprentissage d’une seconde langue officielle, bien qu’il y ait un intérêt croissant pour apprendre aussi d’autres langues.

 

ü       Finalement, pour sept Canadiens sur dix, le fait de vivre dans un pays où il y a deux

langues officielles permet de définir réellement un Canadien.

 

Il importe de rappeler qu’il s’agit ici de moyennes pancanadiennes et que, traditionnellement, les niveaux d’appui les plus élevés se retrouvent, respectivement, au Québec, en Atlantique et en Ontario. Enfin, comme en témoignent plusieurs autres recherches sur l’opinion publique, notamment celles réalisées lors des campagnes électorales municipales de 2003 et 2006, la région de la capitale nationale compte parmi les plus hauts taux d’appui au pays.

 

Ainsi, en prenant les mesures appropriées pour appliquer la lettre et l’esprit de la Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa et en réaliser l’objet, les dirigeants responsables de la Ville ne feront que refléter l’opinion publique et donner effet à des valeurs sûres, des valeurs canadiennes fondamentales, comme l’égalité des chances entre francophones et anglophones.

 

Les résidents des régions de la nouvelle Ville d’Ottawa où règne, à toutes fins pratiques, une situation d’unilinguisme anglais ainsi que les employés unilingues anglophones des anciennes villes qui n’avaient pas de politique de bilinguisme en place ont compris, au cours des six dernières années, que le bilinguisme ne leur a rien enlevé. Au contraire, il représente une valeur ajoutée pour notre région, et nous en profitons tous. Ces mêmes personnes doivent maintenant comprendre que, en définitive, c’est la seule façon de traiter équitablement les francophones et les anglophones de la capitale. Le temps est donc venu pour la Ville de passer résolument à l’action à ce chapitre. D’autant plus que d’importants reculs se sont produits et que la Ville a déjà normalisé la très grande majorité des politiques, programmes et pratiques de gestion.

 

5.               Conclusion et recommandations

 

L’application de la Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa et la réalisation de son objet fondamental dans la capitale nationale du pays, soit le maintien et l'épanouissement des collectivités de langues officielles, exigent d’abord et avant tout un leadership éclairé et exemplaire de ses dirigeants, en commençant par le maire et les conseillers municipaux ainsi que les cadres de direction des trois premiers niveaux de l’administration.

 

Ils doivent s'approprier le contenu du présent rapport, en commençant par la raison d’être et la portée des droits linguistiques en cause. À cet égard, il convient de rappeler que la présente étude et son analyse des droits linguistiques du public et des obligations des gouvernements, illustrent la légitimité et la validité constitutionnelle et légale de la Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa, ce que la Cour supérieure de l’Ontario a d’ailleurs reconnues le 3 octobre 2006 dans le cadre de la décision qu’elle a rendue à la suite de la poursuite intentée contre la Ville par la Canadian for Language Fairness.

 

Il faudra mettre au point les outils de communication appropriés et prendre les mesures nécessaires pour que les cadres et les employés comprennent bien les obligations que leur confère la Politique de bilinguisme de la Ville ainsi que les mesures pratiques qu’ils doivent prendre pour s'en acquitter et assurer ainsi l’égalité du français et de l’anglais. Les cadres, à tous les niveaux de l’administration, ainsi que les employés qui assurent directement ou indirectement un service au public, interne ou externe, devront aussi se poser, à répétition, au fur et à mesure que leur compréhension s’élargira, une question fondamentale :

 

Quelle est la série de mesures prioritaires que je dois prendre maintenant pour assurer l’égalité réelle des francophones et des anglophones dans leurs transactions avec moi ou avec l’unité administrative dont je suis responsable ?

 

La réponse à cette question permettra à chacun de proposer pour adoption les objectifs de la tranche qui leur revient du plan annuel des langues officielles qu’il importe de réaliser. Le Cadre d'élaboration du Plan annuel sur les langues officielles présenté à l'Annexe 3 établit le contexte encadreur, les principes de planification et les éléments constitutifs d'un plan annuel des services en français destiné à combler les inégalités de service d'ici trois ans. Ce Cadre s'applique aussi bien à l'élaboration du Plan pour assurer entre francophones et anglophones l'égalité des services d'une direction, lequel présente alors les faits saillants des divisions qui la composent. Les Plans de direction devront être soumis aux directeurs municipaux adjoints, puis présentés par ceux-ci au Directeur municipal pour son approbation. La nature horizontale du Plan fait appel à un travail de concertation en équipe, tant durant son élaboration que durant son exécution suivie. Le Plan annuel sur les langues officielles de la Ville d'Ottawa devra être approuvé par le Conseil municipal tout comme le rapport faisant état du bilan et de l'évaluation des réalisations de l'année écoulée antérieure. 

 

En complément aux autres recommandations du présent rapport, trois priorités se dégagent de l'ensemble de l'étude :

1.      L’engagement soutenu des dirigeants de la Ville, tant les élus que les cadres de l’administration, en commençant par les échelons les plus élevés, est absolument indispensable; cet engagement doit être régulièrement communiqué en termes clairs tant aux employés qu’au public[16] et les gestes posés au quotidien doivent constamment en confirmer l’authenticité.

 

À cet effet, un plan approprié de communication interne et externe à long terme doit être élaboré, sa mise en œuvre doit être suivie et le plan doit être régulièrement mis à jour. 

 

2.      La compréhension appropriée de la portée du cadre juridique de « l’égalité des droits et privilèges des deux groupes de langues officielles » (Politique de bilinguisme, article R.1) constitue le premier pas du déclenchement d’un processus d’engagement à cet égard.

 

Doit faire partie de ce premier pas une séance conjointe d'étude réunissant le Conseil municipal et le Comité consultatif des services en français. En fait également partie une formation commune de tous les cadres de direction, décrétée obligatoire, sans exception, par le Directeur municipal.

 

Il est indispensable de répondre aux questions légitimes que les responsables vont se poser lorsqu’ils vont chercher à bien comprendre le sens et la portée de la Politique de bilinguisme. Il importe d’aplanir chez eux les obstacles à une juste compréhension des concepts et de leurs implications pratiques ainsi qu’à l’adhésion aux valeurs fondamentales sous-jacentes. Cette mesure permettra une appropriation de la Politique et un ancrage approprié du nouveau cadre de pensée et de perception, lequel est essentiel au virage requis et à l’excellence visée dans la prestation des services au public.

 

3.      La compréhension appropriée des caractéristiques et besoins propres des communautés linguistiques francophone et anglophone à desservir, lesquelles sont toutes deux de plus en plus diversifiées, tant de par leur religion, leur origine ethnique ou géographique, leurs croyances ou leur culture, est essentielle à un engagement éclairé, un leadership structurant et une mobilisation administrative permettant de réaliser l’excellence des services au public internes et externes en français et en anglais.

 

À cette fin, les responsables des principaux domaines de services municipaux au public doivent se doter d’une stratégie de mobilisation d’un groupe adéquat de leaders communautaires, dont les compétences dans les domaines visés sont reconnues, afin qu’ils puissent ainsi se faire conseiller et accompagner. Ils doivent s’en faire des partenaires capables de valider la pertinence de leur définition des problématiques en cause pour assurer l’égalité réelle entre francophones et anglophones dans les domaines d’activité municipale dont ils ont la responsabilité. Ils doivent aussi faire valider l’à-propos des stratégies qu’ils proposent pour réaliser cette égalité dans les divers secteurs géographiques de la Ville. Ces partenaires pourront aussi fournir aux responsables de services une rétroaction leur permettant de vérifier si les cibles établies sont effectivement les bonnes, si les résultats visés sont atteints et si leurs effets contribuent, dans une mesure suffisante, à réaliser l’égalité réelle des francophones et des anglophones. Mis en œuvre avec une attitude d’ouverture, une écoute appropriée et le professionnalisme requise, un tel accompagnement génèrera de précieux avantages pour tous les intéressés.

 

En pratique, le Comité consultatif des services en français (CCSF), à titre de gardien des principes de l'égalité du français et de l'anglais consacrée dans la Politique de bilinguisme, pourrait être celui qui recrute au sein de la communauté francophone un groupe d'experts et de bénéficiaires pour accompagner ces travaux des responsables de chaque secteur de service. La présidence de chacun de ces groupes sectoriels devrait ensuite siéger au CCSF, de manière à assurer une continuité adéquate des efforts destinés à assurer aux francophones et aux anglophones des services municipaux de qualité égale.[17] 

 

La Politique de bilinguise n'est pas discrétionnaire; la Ville a la responsabilité de l'appliquer et d'y consacrer les ressources nécessaires. Les principes directeurs constitutionnels que la Cour suprême du Canada a établis, résumés dans le présent rapport à la section 2. 2. 3, sont clairs à ce sujet.

 

Les pratiques de gestion doivent donc être modifiées en conséquence. Dans le cadre du processus budgétaire, par exemple, il est clair qu'il y a une pratique, beaucoup trop répandue, qui doit cesser. Il s'agit de la pratique de l'administration consistant à déléguer à la minorité francophone le fardeau de devoir défendre auprès du Conseil municipal programme après programme et de devoir justifier à nouveau tel ou tel service. Il faut plutôt qu'un  sous-comité du conseil municipal soit chargé de faire les analyses nécessaires afin d'assurer partout l'égalité des résultats tant pour les francophones que les anglophones. Cette nouvelle pratique doit faire partie intégrante du processus annuel d'élaboration du budget. Cet exercice doit se faire en tenant compte, le cas échéant, des inégalités de situation auxquelles il faut remédier à l'intérieur d'un délai de trois ans, et inclure le calendrier d'exécution qui garantira que ce sera fait.

 

La mise en œuvre du paragraphe 1.6 de la Politique de bilinguisme permettra à la Ville de faire un important pas dans la mise en œuvre intégrée de ces trois recommandations clés. Rappelons que cette disposition exige :

 

 « Que chaque année, le directeur général de chacun des Services prépare un plan annuel sur les langues officielles faisant état des réalisations des douze derniers mois, soumette des plans ou projets pour les douze prochains mois et que ce plan soit approuvé, avec ou sans modification, par le Conseil municipal et rendu public.

Que la mise en œuvre du plan et des moyens soit définie comme étant la tâche de chaque gestionnaire, directeur, directeur général et du directeur des Services municipaux. »

 

Le premier Plan annuel sur les langues officielles doit être publié en septembre 2008. Pour y arriver, la mise en œuvre des recommandations de la présente étude devra s'inscrire dans le calendrier d'exécution suivant :

 

1.       La désignation des postes entre en vigueur le 4 janvier 2008. L'évaluation des compétences des titulaires des postes désignés doit être complétée dans les 90 jours suivants. Cela permettra de cerner l'ampleur des défis à relever pour garantir que les services, qui doivent être assurés en français et en anglais, le sont effectivement et qu'ils sont d'égale qualité.

2.       Le processus de formation et d'appropriation des dirigeants, élus et cadres de direction, doit être complété avant le 31 mars 2008.

3.       Les gestionnaires devront présenter leur proposition de Plan annuel sur les langues officielles à leur directeur au plus tard le 25 avril et ceux-ci à leur directeur municipal adjoint au plus tard le 23 mai 2008.

4.       Le Plan sur les langues officielles de 2009 visera à satisfaire toutes les exigences de l'article 1 de la Politique de bilinguisme, lequel comprend 20 dispositions exécutoires précises. Toutes les mesures nécessaires devront être prévues pour assurer la pleine application de la Politique de bilinguisme avant la fin de l'exécution du troisième plan annuel sur les langues officielles, soit celui de 2011.

5.       Le Plan annuel sur les langues officielles de 2009 devra être soumis au Conseil municipal au plus tard le 30 juin 2008 et publié avant le 20 septembre 2008.

6.       Un Groupe de travail, champion de l'égalité du français et de l'anglais, doit être mis sur pied au plus tard le 1er octobre 2008. Présidé par le Maire, il devrait être composé de trois conseillers, trois cadres supérieurs, trois membres du CCSF et de trois membres du public. Ce groupe de travail sera chargé de s'assurer de l'intégration de ce Plan sur les langues officielles de 2009 dans le processus d'élaboration du budget municipal. Il s'assurera aussi d'établir les mécanismes décisionnels qu'exige la mise en œuvre de ce premier plan annuel sur les langues officielles, sa réalisation suivie et son évaluation. Il établira aussi le processus révisé d'élaboration du second plan annuel sur les langues officielles. La révision et la mise à jour des instruments d'appui à l'élaboration, au suivi et à l'exécution des plans annuels sur les langues officielles, y compris le Cadre d'élaboration du Plan annuel sur les langues officielles, fera partie de ce processus qui sera appuyé par la Division des services en français.

 

Chaque cadre de direction doit suivre la mise en œuvre de la Politique dans son secteur de responsabilité et évaluer les retombées du Plan annuel sur les langues officielles, sous le regard éclairé du Directeur municipal. Enfin, après un certain délai, le temps sera venu de procéder à une évaluation d'ensemble de l’application de la Politique afin d'aider les responsables à faire le point et, au besoin, à ajuster leur façon de faire. Lors de son dernier rapport annuel, le Vérificateur général de la Ville d’Ottawa a manifesté son intention de faire une telle évaluation. Ce serait tout à fait approprié, étant donné que la Politique de bilinguisme est une politique horizontale dont les retombées sont très importantes; elle s'applique par conséquent à l'ensemble de la Ville et de ses activités.

 

La Division des services en français (DSF) aura à jouer le rôle central de conseiller et d'accompagner les responsables dans la planification, l'exécution et l'évaluation des mesures requises pour assurer aux francophones et aux anglophones des services municipaux de qualité égale. Elle devra, à cette fin, disposer des ressources et de l'appui nécessaires. Le nom de la DSF devrait aussi être modifié pour mieux appuyer le recadrage qui s'impose fin de réaliser l'objet de la Politique de bilinguisme de la Ville.

 

La Ville doit aussi entreprendre de mettre en place un régime d’application approprié de la Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa. Celui-ci doit comprendre tout ce qui est nécessaire pour garantir la réalisation de l'objet de la Politique de bilinguisme. À cette fin, la Ville devra :

Ø                  Élaborer et mettre en place un cadre de responsabilisation approprié et efficace lui permettant de pleinement s’acquitter des obligations de sa Politique de bilinguisme.

Ø                  Mettre en œuvre une stratégie lui permettant d’aligner graduellement sa culture organisationnelle avec les exigences de sa Politique de bilinguisme, y compris par un régime de récompense approprié.

Ø                  Apporter à ses politiques, programmes, mécanismes, processus et pratiques les ajustements nécessaires pour réaliser l’égalité réelle des francophones et des anglophones qui transigent avec elle.

 

Le bilinguisme est un atout unique! La Ville d'Ottawa a tout avantage à pleinement tirer partie de ses deux langues officielles. D'autant plus que le français et l'anglais sont des langues internationales, parlées partout sur la planète. Le bilinguisme français-anglais est une ressource extraordinaire capable de stimuler l'essor économique, culturel, social et politique de la Ville d'Ottawa. En tant que capitale d'un Canada de plus en plus fier de ses deux langues officielles, la Ville devrait en faire son image de marque.

 

En Colombie-Britannique, Coquitlam a gagné en 2005 un prix national de marketing avec sa campagne Flaunt your Frenchness. En trois ans seulement, les municipalités bilingues du Manitoba ont retiré de leurs deux langues officielles d'importantes retombées depuis qu'elles en ont fait un « branding » rassembleur qui a mobilisé une nouvelle énergie, source de prospérité, sous l'appellation : C'est si bon! Ensemble . Together

 

Le virage que la Ville a amorcé pour assurer, en 2007-2008, une progression significative vers l'égalité du français et de l'anglais dans la capitale, se fera en tandem avec celui qu'a amorcé le gouvernement fédéral pour le Canada, comme ce fut le cas lors des progressions majeures de 1970-1971 et 1981-1982. Ainsi se déroule le fil de l'histoire.

 


 

Annexe 1 : Extraits de la Politique de bilinguisme

 

Les extraits suivants de la Politique de bilinguisme de la Ville d’Ottawa visent à aider les dirigeants et les employés de la Ville à comprendre la portée des responsabilités qui leur incombent. Prendre connaissance de ces dispositions et réfléchir aux responsabilités qui en découlent suffisent non seulement à se rendre à l’évidence mais également à visualiser les responsabilités qui incombent à chacun. Ces responsabilités incluent non seulement la responsabilité personnelle des employés de prendre les dispositions pour acquérir et perfectionner leurs compétences linguistiques mais également, ce qui est d’importance critique, d’ancrer constamment les compétences nouvellement acquises, en partie ou en totalité aux frais du gouvernement municipal, en les utilisant pleinement dans le milieu de travail. Après tout, à quoi sert d’acquérir une compétence si ce n’est de la mettre à profit dans l’intérêt public, ce qui, en l’occurrence, sert éminemment bien l’enrichissement et les intérêts personnels et professionnels ainsi que la poursuite de sa carrière.

·      « Que la Ville d’Ottawa informe la communauté de la disponibilité des services.

·      Que la Ville d’Ottawa distribue à tous les responsables et à tous les employés l’information liée à la politique de bilinguisme faisant référence aux droits et obligations.

·      Que l’anglais et le français soient acceptés comme langues de travail dans le service civil municipal.

·      Que la Ville mette tout en œuvre pour affecter des personnes bilingues à tous les postes de direction, plus particulièrement aux postes de directeurs généraux.

·      Que l’on encourage par tous les moyens les professionnels francophones de la Ville travaillant dans des domaines connexes à se rencontrer formellement pour discuter des programmes susceptibles d’améliorer les services offerts à la population.

·      Que chaque Service avec lequel le public doit communiquer ait une capacité bilingue afin de pouvoir offrir un service dans les deux langues officielles.

·      Que la Ville offre de façon active ses services dans les deux langues officielles.

·      Que le Conseil municipal réaffirme sa volonté d’offrir aux deux groupes de langues officielles des services et des programmes dans leur langue maternelle et prenne les mesures nécessaires pour la réalisation de cet objectif.

·      Que la qualité et le niveau des services offerts en français soient égaux à ceux des services offerts en anglais.

·      Que les instruments de travail (circulaires, manuels et textes nécessaires pour l’exercice des fonctions) soient offerts simultanément dans les deux langues officielles.

·      Que la Ville d’Ottawa fasse pression auprès des autorités provinciales pour que les documents légaux, règlements, lois, soient fournis en français et que le français soit reconnu comme légal au niveau local.

·      Que les associations professionnelles et les syndicats soient consultés individuellement au fur et à mesure de l’élaboration des mécanismes visant la mise en œuvre des recommandations du présent rapport.

·      Que les mesures nécessaires soient prises pour faire en sorte que les mesures prises par le Conseil municipal en français soient reconnues officiellement en français.

·      Que le Conseil municipal mandate clairement ses délégués à la Commission des services policiers de présenter sous forme de recommandations tous les éléments pertinents de la politique de bilinguisme adoptée par la Ville d’Ottawa et de s’assurer que les mécanismes d’application appropriés soient développés ou mis en place. 

·      Que les politiques d’affichage et de publication bilingues s’appliquent à tous les contractuels de la Ville qui offrent un service direct à la population, aux associations et aux groupes communautaires dont les activités sont subventionnées à plus de 30 % par la Ville d’Ottawa. Les susmentionnés devront garantir un minimum de personnel bilingue sur les lieux de leur activité.

·      Que l’on inclue une clause stipulant l’esprit de l’article dans l’entente ou le contrat avec les associations qui bénéficient d’une subvention ou d’un contrat municipal, s’il y a lieu, selon l’esprit de la présente politique.

·      Que le respect ou l’application de cet article soit surveillé. »

 

Certaines dispositions de la Politique concernent plus spécifiquement la formation linguistique :

·      « Qu’annuellement, l’administration municipale encourage ses employés unilingues à acquérir des connaissances de la langue seconde et les informe des programmes existants.

·     Que la formation linguistique soit dispensée en priorité aux unités dont les fonctions principales sont :

 

i)          de communiquer avec le public;

ii)         de conseiller le personnel;

iii)        d’offrir les services essentiels au fonctionnement efficace des Services municipaux (administration, archives, etc.).

 

·         Que la formation linguistique soit offerte aux cadres intermédiaires et supérieurs dans le but d’atteindre les objectifs suivants :

i)          servir le public dans les deux langues officielles à tous les niveaux;

ii)         utiliser les deux langues officielles dans le milieu du travail.

 

·         Que la municipalité offre annuellement, à un certain nombre d’employés dont le niveau de compétence dans la langue seconde est de niveau 3, la possibilité de suivre des cours pendant les heures de travail, offerts soit par la municipalité ou par une institution publique.

·         Qu’aux employés dont le niveau de connaissance de la langue seconde a été établi aux niveaux 1 à 3 (niveau de compétence : débutant, intermédiaire et avancé) soient offerts un remboursement des frais de scolarité pour tout cours suivi avec succès en dehors des heures de travail.

·         Que la Direction de l’efficacité organisationnelle mette sur pied un service d’aide à la rédaction pour ceux et celles qui veulent ou doivent écrire en français (ce service rentabilisera l’utilisation des ressources actuelles).

·         Que des moyens concrets soient mis en œuvre pour que les employés inscrits aux cours de langues et occupant des postes bilingues utilisent leur langue seconde au travail. (La Direction de l’efficacité organisationnelle pourrait obtenir la collaboration des francophones des unités de travail pour appuyer le programme de formation soit en fournissant des occasions d’usage du français, soit en fournissant des outils de travail en français).

·         Que la Ville d’Ottawa encourage le bilinguisme chez les présidents de réunions afin que le personnel de la Ville puisse utiliser la langue officielle de son choix lors de réunions du personnel et que selon le genre de réunion, des services d’interprétation soient offerts. »

 

D’autres dispositions concernent la formation professionnelle des employés de la Ville.

·         « Que les programmes de perfectionnement, nécessaires à la compétence de l’employé au travail, soient offerts dans les deux langues officielles (soit par cours donnés par la Ville ou d’autres organismes).

·         Que les cours offerts en français soient de qualité égale à ceux offerts en anglais.

·         Que l’on informe les employés de l’existence de ces services et que l’on offre activement ces services. »

 

L’approche des unités de travail constitue celle que la Ville a choisie pour assurer au public un accès égal à des services de qualité en français et en anglais.

·         « Que les unités de travail dont la fonction première consiste à servir le public, à temps complet, possèdent un personnel en totalité ou en grande partie bilingue.

·         Que cette capacité bilingue dans chaque unité de travail soit présente aux paliers de responsabilité de la direction, des agents et du personnel de soutien.

·         Que chaque unité de travail à la Ville représentant un service distinct et unique, aux employés ou au public, soit capable de communiquer dans les deux langues officielles, en tout temps.

·         Que l’on offre les services dans les deux langues officielles de façon active.

·         Que l’on utilise les médias pour informer le public.

(i)        Que tous les postes des groupes de gestion supérieure et de haute direction soient désignés bilingues.

(ii)       Que le directeur des Services municipaux fixe l’objectif d’atteindre un taux de bilinguisme de 50 % parmi tous les titulaires des groupes de gestion supérieure et de haute direction d’ici le 1er janvier, 2004.

(iii)      Les titulaires actuels qui ne pourraient pas atteindre le niveau 3 de maîtrise de la langue à l’oral et en lecture au moins trois (3) ans avant la date la plus proche possible de pleine retraite seraient exclus des calculs dans l’atteinte de l’objectif de 50 %.

 

·         Que tous les postes avec une portée opérationnelle importante, reliés à des activités culturelles de l’un ou l’autre des deux groupes culturels, soient pourvus par des employés appartenant au groupe desservi.

·         Que toutes les unités de travail ayant un éventail important d’activités liées à des programmes culturels s’adressant à l’un ou l’autre des deux groupes culturels, se dotent d’un nombre suffisant d’employés connaissant à fond le groupe culturel en question, y compris les services de Communication et marketing. »

 

En définitive, les résultats que cet échantillon de la Politique exige de la Ville d’Ottawa et l’esprit dans lequel ceux-ci doivent être concrétisés apparaissent clairement et explicitement établis dans ses dispositions.


Annexe 2 : Services en français d'égale qualité

 

Pour que la Ville d’Ottawa puisse fournir à la population francophone des services de qualité égale à ceux qu’elle dispense à la population anglophone, conformément à sa Politique de bilinguisme, elle doit s’assurer que ses services en français sont linguistiquement et culturellement appropriés. Cette notion mérite d’être expliquée pour être bien comprise et effectivement mise en œuvre.

 

Des services en français linguistiquement et culturellement appropriés?

Les autorités et les organismes publics qui se rattachent à la Ville d’Ottawa doivent prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que non seulement les services mais également l’organisation des services sont linguistiquement et culturellement appropriés. Cela veut dire que les services dispensés au public doivent renforcer l’identité des individus et contribuer à la vitalisation de la collectivité minoritaire francophone en exerçant un rayonnement positif sur celle-ci. 

 

Les barrières linguistique et culturelle ont des répercussions négatives sur le bien-être des citoyens. À cause de ces barrières, les citoyens se trouvent privés d’une partie de l’information qui leur est destinée et ils sont moins bien compris. Ils peuvent moins bien exprimer leurs besoins. Ils ont un accès limité aux services. De plus, les déterminants sociaux-culturels du bien-être ont une influence sur l’état de la personne, soit par bagage génétique, habitudes sociales, capacité financière ou autres.  Il en découle que le partage de l’information, l’accès à des milieux proprement de sa culture et le partage avec des professionnels d’une même langue et culture vont influencer le bien-être de l’individu et de sa collectivité.

 

Ce principe s’adresse non seulement aux services mais à l’organisation de ceux-ci. Pour les francophones, le prototype d’un service linguistique et culturellement approprié est un organisme francophone géré par et pour les francophones, assorti des ressources humaines et financières aptes à en soutenir le succès. Dans les cas où cette option s’avère impraticable, il est essentiel que la solution en reconstitue les principaux attributs, y compris la participation active des francophones à la gouvernance.

 

Compétence culturelle

La compétence culturelle[18] se définit comme suit : « Une série de comportements, d’attitudes et de politiques qui s’assemblent sous un système, une agence ou entre professionnels et qui habilite le système, l’agence ou ces professionnels à travailler efficacement dans des situations inter-culturelles.  Le mot « culture » est utilisé car il implique les patrons intégrés des pensées humaines, communications, actions, habitudes, croyances, valeurs et institutions d’un groupe racial, ethnique, religieux ou social.  Le mot « compétence » est utilisé parce qu’il sous-entend avoir la capacité de fonctionner efficacement ». (La traduction est de nous.) 

 

Cette notion s’applique au niveau systémique à l’ensemble de la Ville d’Ottawa. Elle s’applique également à chacune de ses directions et de ses services. La Ville doit prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que ses dirigeants acquièrent la compétence culturelle qui leur permettra d’appliquer effectivement sa Politique de bilinguisme et d’en réaliser l’objet.


Rounded Rectangle: Annexe 3 : Cadre d'élaboration du Plan annuel sur les langues officielles
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]  L’auteur de ces lignes a été conseiller du commissaire aux langues officielles du Canada en matière de droits linguistiques et constitutionnelles dans les années 1980 et a œuvré dans le domaine de l’aménagement linguistique au Canada pendant près de 25 années. Toutefois, il n’est membre d’aucun barreau et le texte qui suit ne doit nullement être vu comme un avis juridique. Bien que seule la Cour suprême du Canada, qui est uniquement appelé à interpréter une toute petite partie des lois du pays, soit habilitée à fournir une interprétation juridique définitive, y compris des obligations linguistiques de la Ville d’Ottawa, les entités juridiques responsables, individus ou organismes constitués, n’attendent guère une décision de la Cour avant de respecter la loi au mieux de leur connaissance. Le présent chapitre vise uniquement à faire comprendre le cadre des politiques sous-jacent au cadre juridique. Sa nécessité découle d’une expérience mainte fois répétée : on ne peut qu’appliquer superficiellement les lois qu’on ne comprend que superficiellement.

[2]  Loi constitutionnelle de 1982, article 16. Cette disposition, qui vise l’ensemble du Canada, est sans doute le fondement de l’ensemble des droits linguistiques du pays. Rappelons que la Loi constitutionnelle de 1982 a été adoptée par le Parlement canadien et toutes les législatures du pays, sauf l’Assemblée nationale du Québec.

[3]  La seule autre juridiction au pays qui reconnaisse explicitement l’égalité des communautés francophone et anglophone (ainsi que, en l’occurrence, leur droit à des institutions notamment éducatives et culturelles distinctes), est le Nouveau-Brunswick, depuis l’adoption en 1984 de la Loi 88 et l’enchâssement en 1993 de ses principes à l’article 16 (2) de la Charte canadienne des droits et libertés.

[4]  Dans l’arrêt Eldrige, qu’elle a rendu en 1997 et qui portait sur l’égalité d’accès à des services publics, nommément en l’occurrence l’efficacité des communications dans la prestation des services médicaux, la Cour suprême du Canada a établi le principe que les entités non gouvernementales qui assument un mandat public ou administre un service public héritent des responsabilités publiques qui s’y rattachent. 

[5]  Ces services existent en vertu d’une loi provinciale, laquelle est assujettie à la Loi sur les services en français dont le statut de loi quasi constitutionnelle a été reconnu par les tribunaux. L’indépendance administrative de ces services de la Ville d’Ottawa doit être préservée de toute ingérence politique malveillante ou partisane; toutefois, ces services ne sont pas au-dessus de la Loi, y compris quand vient le temps de desservir également, dans leur langue, les francophones et les anglophones. À cet égard, même la Cour suprême du Canada n’est pas au dessus de la Loi.

[6]  Il ne s’agit pas des langues officielles du gouvernement fédéral mais des langues officielles du Canada.

 

            [7] « Si un employé unilingue embauché avant le 1er janvier 2001 par une des anciennes municipalités de la Région d’Ottawa-Carleton, soit Ottawa, West Carleton, Goulbourn, Kanata, Rideau, Nepean, Osgoode, Gloucester, Cumberland, Vanier ou Rockcliffe Park, pose sa candidature à un poste désigné bilingue et est nommé à ce poste, sa nomination est intérimaire pour une période d’au moins six mois, pourvu qu’il suive une formation linguistique. -- La nomination de l’employé est par la suite confirmée si l’on juge qu’il est capable d’apprendre la langue seconde et qu’il fait des efforts raisonnables en ce sens; dans le cas contraire, l’employé reprend son ancienne classification. -- Les employés embauchés après le 1er janvier 2001 et les autres candidats de l’extérieur doivent satisfaire aux exigences linguistiques affichées pour le poste. -- Les possibilités d’avancement des employés embauchés après le 1er janvier 2001 pourraient être en fonction de leurs aptitudes dans les deux langues officielles. »

 

[8]  Cette disposition fondamentale « Que la Ville d’Ottawa réitère le caractère bilingue de la Ville d’Ottawa ainsi que l’égalité des droits et privilèges des deux groupes de langues officielles face aux services qu’elle offre. » (Politique de bilinguisme, article R.1) doit être au centre de la vision des responsables de tous les paliers de l’administration et être constamment mise en œuvre.    

[9]  Les trois autres compétences linguistiques sont la compréhension orale, la compréhension écrite et l’expression orale.

[10]  Les responsables des communications de la Ville ont un rôle clé à jouer. Ils doivent constamment s’assurer que la Ville communique simultanément avec le public en français et en anglais, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et que ces communications sont d’égale qualité. Ils doivent gérer les risques inhérents aux communications urgentes ou sensibles, lesquelles doivent être tout aussi efficaces alors que la sécurité et le bien-être des personnes est en jeu, qu’il s’agisse d’aînés, d’immigrants francophones ou d’autres personnes que la situation rend vulnérables. 

[11]  La Ville d’Ottawa n’a pas retenu la notion fédérale de « demande importante » dans sa Politique de bilinguisme. La proportion de francophones a néanmoins servi de paramètre pour établir le nombre de places de services de garde en français. Selon le recensement de 2001, les derniers chiffres officiels disponibles en ce moment, Ottawa compte 160, 550 francophones, soit 21 p. cent de la population totale. Sont alors comptabilisés en tant que francophones les personnes pour lesquelles le français est la première langue apprise et encore comprise, soit leur langue maternelle, ainsi que les personnes qui n’ont ni le français ni l’anglais comme langue maternelle mais dont le français est la première langue officielle parlée. (Source : Statistique Canada)

[12]  Voir la notion de services linguistiquement et culturellement appropriés à l’Annexe 2.

[13]  L’honorable JPR Métivier; Canadians for Language Fairness c. La Ville d’Ottawa, Cour supérieure de justice de l’Ontario, octobre 2006.

[14]  Les relations médiatiques en français sont le parent pauvre, la qualité du français des instruments de communication est souvent déficiente et on se préoccupe rarement d’adapter la version française, encore moins de concevoir les communications au public, y compris les campagnes de promotion, dans chacune des langues officielles, suivant le génie propre de chacune des langues, conformément à la Politique. On en arrive même à « oublier » les francophones lors de la planification d’événements spéciaux.

[15]  Le risque associé à de telles pratiques n’est pas sans rappeler le cas du Manitoba et les arrêts Forest et Bilodeau de la Cour suprême du Canada rétablissant le bilinguisme législatif et parlementaire et invalidant les lois adoptées illégalement en anglais seulement pendant quelque 90 ans.  

[16]  Cette disposition fondamentale « Que la Ville d’Ottawa réitère le caractère bilingue de la Ville d’Ottawa ainsi que l’égalité des droits et privilèges des deux groupes de langues officielles face aux services qu’elle offre. » doit être au centre de la vision des responsables de tous les paliers de l’administration et être constamment mise en œuvre. (Politique de bilinguisme, article R.1)

[17]  Le CCSF pourrait alors avantageusement s'appeler Comité consultatif sur l'égalité du français et de l'anglais. 

[18] Cross, TL, Bazron, Kw, Isaacs Mr. Towards a Culturally Competent System of Care: Vol. I., Georgetown University Child Development Center, 1989.